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Fortune De France

Fortune De France

Titel: Fortune De France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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que tous les peuples se ressemblent, et que même les Anglais
gasconnent quand il s’agit de leur valeur.
    J’étais
ébloui en mes sept ans que « le plomb eût nagé sur l’eau », admirant
fort mon père d’avoir eu part à cette entreprise, et fort heureux que le
royaume fût à nouveau entier et dans des mains françaises, chose que la
frérèche ne se lassait jamais d’exalter. J’écris ceci vingt-cinq ans plus tard,
en mon âge mûr et jugement rassis, et pourtant mon cœur ne laisse pas de battre
quand on prononce devant moi le mot « Calais ». Que cette ville soit
redevenue nôtre après avoir été si longtemps l’image et comme le symbole de
l’occupation étrangère, je tiens que ce fut là l’événement le plus important
qui marque l’histoire du royaume en ce milieu du siècle.
    Mon
père ouït dire de la bouche de notre voisin, Pierre de Bourdeille, seigneur de
Brantôme, qui encore qu’il fût « abbé », s’entendit bien avec les
huguenots quand ils occupèrent son abbaye, que le premier
« inventeur » de l’entreprise sur Calais fut l’Amiral Gaspard de
Coligny, le même qui fit cette belle défense de Saint-Quentin, donnant ainsi à
Henri II le temps de convoquer le ban et l’arrière-ban de la noblesse pour
résister à l’envahisseur espagnol. Je n’ai pas besoin de dire qui était
l’Amiral et quel fut son triste destin, quatorze ans plus tard, à Paris, dans
la nuit si funeste de la Saint-Barthélemy. Les Coligny  – j’entends par là
les trois frères de cette illustre famille, Odet, cardinal de Châtillon,
d’Andelot, colonel général de l’Infanterie, et l’amiral  – étaient tenus à
Mespech en grande estime et respect parce qu’ils étaient les premiers grands
seigneurs français à s’être convertis à la religion réformée, encourageant par
leur exemple de moindres seigneurs à se déclarer, et donnant au parti huguenot
une tête et une épée.
    D’après
Brantôme, mais il ne faisait là, comme souvent, que répéter un
« ouï-dire » sans en préciser l’origine, l’amiral, durant la trêve de
Vaucelles, envoya M. de Briquemaut reconnaître Calais sous un déguisement. M.
de Briquemaut lui fit un rapport, et sur ce rapport, et sur les faiblesses de
la défense, l’Amiral composa un mémoire et des plans pour un projet d’attaque,
qu’il montra au Roi. Bien des mois plus tard, la guerre faisant rage de nouveau
entre l’Espagne et Henri II, le Roi se souvint de ces plans et de ces
mémoires, et les ayant fait quérir chez Madame l’amirale (Coligny étant
prisonnier des Espagnols depuis la prise de Saint-Quentin), il les remit au Duc
de Guise pour qu’il les étudiât.
    Si
cette histoire est vraie, elle est intéressante à l’extrême puisqu’elle montre
la future tête du parti huguenot en France et le futur chef du parti catholique
 – le premier accusé d’avoir trempé dans l’assassinat du second, et dans
la suite des temps, le fils du second assassinant le premier  – travailler
ensemble, bien que de loin, l’un par ses plans, l’autre par sa brillante
exécution sur le terrain, à la délivrance de Calais. Preuve que les Français
peuvent beaucoup pour la conservation du royaume quand ils sont unis.
    D’après
mon père, la faiblesse de la défense de Calais tenait à l’idée que se faisaient
ses défenseurs de la force de sa position.
    La
ville était presque entièrement entourée d’eau, ici par la mer, là par des
fossés alimentés par la rivière Hames, là encore par des marais, et reliée à la
terre ferme par une unique jetée défendue par des forts. L’hiver, ces eaux
gonflaient démesurément, et les Anglais, confiants dans cet obstacle naturel,
avaient pris l’habitude, par souci d’économie, de réduire beaucoup, en mauvaise
saison, la nombreuse garnison qu’ils entretenaient à Calais pendant l’été. Ils
se reposaient aussi sur les prompts secours qu’ils pouvaient recevoir de
Douvres, et sur ceux de l’armée espagnole, si forte en France après le désastre
de Saint-Quentin.
    — Le
succès, dit mon père avec cette façon que j’aimais de se tenir très droit, les
jambes écartées, et les mains aux hanches, sans arrogance ni dureté aucune mais
parce qu’il avait en son corps une force et une vie qui le redressaient sans
cesse, même aux instants de lassitude, le succès tint au secret si bien gardé
de l’entreprise, à la surprise et au désarroi où fut plongé l’ennemi

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