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Fortune De France

Fortune De France

Titel: Fortune De France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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canons qui ouvrirent dans la citadelle la brèche par où nos troupes
entrèrent dans Calais et prirent la ville.
    — Mais
encore fallait-il donner l’assaut ! dit mon père avec un sourire car il
aimait beaucoup Cabusse, avec autant d’indulgence pour ses défauts visibles que
d’estime pour ses vertus cachées. Il ajouta : Et là, je peux dire comme
Coulondre : j’en étais ! Guise décida de forcer la brèche à la marée
montante le soir, et lui-même entra le premier dans l’eau glacée jusqu’à la
ceinture pour traverser le fossé où nous avions établi les canons. Il était
suivi de plusieurs centaines d’arquebusiers, d’Aumale et d’Elbeuf ses frères,
et d’une quantité de gentilshommes volontaires, dont j’étais, répéta mon père
en riant. Tout mouillé et glacé qu’on fût, on escalada les remparts, on força
la brèche, le tout dans un assaut furieux. Ce fut un beau massacre, les Anglais
de la citadelle étant vite submergés par le nombre. Les pauvres diables
n’eurent pas la moindre chance. À part une poignée qui réussit à se sauver dans
la ville, ils furent tous passés au fil de l’épée dans la fureur du combat.
Quand nous fûmes maîtres du château, Guise y établit d’Aumale et d’Elbeuf et
repassa le fossé, cette fois avec de l’eau jusqu’au cou, pour rejoindre le gros
de l’armée. Et nous, nous voilà coupés d’elle pour toute une nuit, jusqu’à la
marée descendante, et séparés d’une ville hostile par une simple porte !
Le gouverneur de Calais, Lord Wentworth, décida d’attaquer aussitôt, malgré
l’obscurité, et de nous rejeter dans les fossés avant qu’on nous pût secourir.
Il battit la porte de la citadelle de quatre canons amenés par les rues de la
ville, et lança assaut sur assaut sans réussir à nous déloger ; à l’aube,
la marée se retira, et Lord Wentworth, ayant perdu la moitié de ses troupes, se
résigna à composer. À sa prière, Guise accorda à tous les habitants vie sauve
et libre sortie, comme Edouard III l’avait fait pour les Français deux
siècles plus tôt, quand il avait pris la ville. D’Andelot pénétra aussitôt dans
Calais avec une quarantaine d’officiers pour contenir nos soldats et prévenir
le sac, le carnage et les forcements.
    — Et
les secours anglais ? dit Sauveterre.
    — Ils
arrivèrent, mais trop tard. La ville était déjà dans nos mains. La rapidité,
mon frère, la rapidité ! L’affaire fut si vite menée que huit jours
suffirent pour prendre Calais !
    La
suite, Jean de Siorac la réserva au seul Sauveterre, dans le silence de son
cabinet, et à ses fils, quand nous fûmes d’âge à comprendre l’intérêt de ces
choses.
     
     
    — Jamais
je ne vis une telle picorée ! dit Jean de Siorac en marchant de long en
large dans le petit cabinet, Sauveterre, que sa jambe tracassait, étant assis
dans un grand fauteuil. Je ne parle pas seulement des munitions, mais des
vivres en quantité incroyable, de l’argent en belles espèces sonnantes, et des
marchandises de toute sorte, de très beaux meubles, des soieries de Chine, des
pièces de drap, des étains, du bronze, des balles de bonne laine anglaise pour
cent mille livres, des peaux de moutons pour cinquante mille livres !
D’Andelot reçut les peaux pour sa part... le reste des Capitaines, des écus.
Thermes, dix mille. Sansac, quatre mille, Bourdin et Sénarpont, deux mille...
    Il
suspendit sa phrase et regarda Sauveterre en silence d’un air malicieux.
    — Et
toi, Jean ? dit Sauveterre.
    — Toi
et moi, dit Siorac, nous reçûmes quatre mille écus.
    — Quatre
mille écus ! dit, l’œil brillant, Jean de Sauveterre. Tu as dû accomplir
quelque exploit que tu passes sous silence.
    — Chut !
Les exploits passent, les écus restent ! Nous allons pouvoir mettre à
exécution notre bel et bon projet et acheter un moulin dans les Beunes.
    — Aucun
n’est à vendre.
    — Nous
attendrons. Et en attendant, nous confierons cette somme à quelque honnête juif
de Périgueux pour qu’il lui donne un peu de ventre.
    Il
y eut un moment de silence, aussi lourd que les quatre mille écus tombant un
par un dans les coffres de Mespech.
    — Le
Seigneur, dit Sauveterre avec gravité, continue à nous protéger, et à
multiplier nos biens.
    — Amen,
dit mon père.
    Il
s’assit en face de Sauveterre et reprit :
    — Vous
vous étonnez peut-être que j’aie demandé mon congé avant que la paix soit
signée. Mais

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