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Fortune De France

Fortune De France

Titel: Fortune De France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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rendre.
    — Monsieur
mon frère, j’ai dit non.
    — Dans
ce cas, je vous châtierai.
    Je
me levai et marchai vers lui avec détermination.
    — Ou
je vous ferai châtier, ce qui revient au même, dit François hâtivement.
    Je
sentis son recul, et je poussai ma pointe plus avant, car je rageais à la
pensée que ce grand niquedouille serait un jour seigneur de Mespech, comme il
aimait à me le rappeler. En outre, je lui en voulais d’évoquer ainsi en toute
occasion la mort de mon père dont la pensée, depuis l’acte lu par le notaire
Ricou, me plongeait dans l’appréhension.
    — Je
déteste votre pêche, dis-je, les dents serrées. C’est occupation de vilain, et
non de gentilhomme, à qui conviennent mieux la chasse, le cheval ou les armes.
    — Les
armes ! dit François avec un rire. Moi, j’ai tiré à l’arquebuse sur les
Roumes dans l’île, tandis que vous ronfliez sur votre tas de cailloux !
    — Je
ne ronflais pas ! m’écriai-je avec indignation.
    — Mais
que si ! dit François. Et ronflait à vos côtés ce fils de vachère dont
vous avez fait votre ami !
    — Samson
est mon frère.
    — Votre
demi-frère.
    — Alors,
dis-je en serrant les poings, un demi-frère vaut mieux qu’un frère entier.
    — Osez-vous
m’affronter ? s’écria François hors de lui, et le préférer à moi qui suis
votre aîné ? Ignorez-vous que Samson est un affreux bâtard qui ne vaut
même pas la merde que je chie ?
    Ma
volonté n’eut aucune part dans ce qui suivit : je me jetai sur François et
lui donnai un soufflet jusqu’à effusion de sang, et comme le couard, au lieu de
me combattre, me tournait le dos, un grand coup de pied par le cul. Mon aîné
s’enfuit alors hors de la salle, gémissant et saignant et à mes yeux, par cette
retraite, tout perdu d’honneur. Je l’entendis crier dans l’escalier qui menait
à la tour de Sauveterre que, tel Caïn, j’avais voulu l’occire.
    Ah,
certes ! ce fut un jour marquant dans l’histoire de Mespech que le jour où
je battis mon aîné ! Et les plus fortes remontrances n’y changèrent rien,
ni le fouet, ni l’eau, ni le pain sec, ni les larmes de ma mère, ni le front
sévère de Sauveterre, ni l’emprisonnement pour quarante-huit heures dans la
tour nord-est, salle tout à fait dénudée où je fus laissé seul avec un balai,
dont je fis aussitôt grand usage contre les araignées, et me démenant contre
elles comme un diable, si douloureux que fût mon fessier. Là-dessus, Barberine,
les larmes roulant sur ses joues rondes (car j’avais pour moi, hors ma mère,
toutes les femmes de la maison), me porta un beau pain blanc tout frais et,
dans une cruche, de l’eau qui se trouva être du lait. Quelques minutes plus
tard, la clef tournant dans la serrure, je levai la tête et je vis Samson
 – avec ses cheveux de cuivre, ses taches de rousseur et ses yeux d’un
bleu éclatant  – déposer sur le plancher un pot de miel, me sourire et
s’enfuir.
    Je
n’avais point, par vergogne, répété à Sauveterre les propos de François sur
Samson, mais il les apprit par la Maligou, qui les avait entendus de sa
souillarde ; et entrant en claudiquant dans ma prison pour se les faire
confirmer, il aperçut le miel dont je tartinais mon pain et fronça le sourcil.
    — Qu’est
cela ? dit-il.
    — Du
miel, monsieur mon oncle, dis-je en me levant.
    — Je
vois bien. Qui vous l’a apporté ?
    — Je
ne saurais le dire.
    — Et
moi, je le sais déjà, dit Sauveterre.
    Il
aperçut aussi le lait, car rien n’échappait à son œil noir perçant très enfoncé
dans son orbite, mais il ne souffla mot là-dessus, et il se contenta de me
faire redire très exactement les paroles de François sur Samson. Puis il fronça
derechef le sourcil et dit d’un ton très mécontent :
    — C’est
là propos de palefrenier, bas, malsonnant, indigne d’un chrétien. François sera
châtié, lui aussi. Mais cela n’excuse pas votre faute. Mon neveu, vous avez en
vous trop de violence et de sang. Au moindre affront, vous foncez comme un
taureau ! Il faudra vous corriger.
    Puis
il sortit, mais sans ordonner de m’enlever miel ni lait. Et comme je le sus
plus tard, faisant appeler Barberine, il la tança.
    — J’ai
dû me tromper, dit Barberine en tremblant. Les deux pots sont si pareils !
    — Allons,
ma pauvre Barberine, ne mens pas, dit Sauveterre en haussant les épaules ;
toute la femme est dans le ventre, et tu aimes Pierre comme si

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