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Fortune De France

Fortune De France

Titel: Fortune De France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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le 25 juillet par une lettre de
Paris. J’en trouve un résumé à cette date dans le Livre de raison, écrit
par mon père, ainsi que les réflexions qu’elle inspira à Sauveterre en marge du
livre : « Mon frère, n’avais-je pas raison de ne pas
désespérer ? En arrêtant Anne du Bourg et les Conseillers du parlement de
Paris, qui tiennent pour nos idées, Henri II a voulu frapper la Réforme à
la tête. Et c’est à la tête que Dieu, à son tour, l’a frappé. Les
jugements du Seigneur sont un profond abîme, qui s’éclaire parfois d’une
lumière éclatante. La tempête de la persécution qui a bouleversé tout le
royaume va peut-être s’apaiser par ce coup évident de la Providence. »
    À
quoi, le lendemain 26 juillet, mon père répondit : « C’est peu
probable. À Henri II, son fils François II va succéder. C’est un
enfant, il est marié à Marie Stuart, dont il est ensorcelé, et celle-ci est la
nièce des Guise. Le pouvoir ne va donc pas changer de mains, ni la persécution
cesser. » Jean de Siorac ne se trompait pas : Henri II était à
peine dans sa tombe que les Guise étaient les maîtres du royaume. Six mois plus
tard, Anne du Bourg était brûlé en place de Grève comme hérétique.
     
     
    L’année
1560, on fit les foins fort tard à Mespech, en raison du temps qui, tout le
début juillet, resta pluvieux et venteux avec des gelées fort âpres, et plus
ressentant son hiver que son été. Le 15, enfin, il se mit au beau sec et
Siorac, s’étant fait apporter toutes les faux, les fit débarrasser de la
graisse dont elles étaient ointes, et les trouva toutes luisantes et affilées,
sauf une qui avait perdu son tranchant à force d’usage. Il commanda à Faujanet
 – que personne n’égalait dans cette tâche  – de la taper, et
Faujanet, l’ayant placée sur une petite enclume pour lui redonner du fil, lui
appliqua, deux heures durant, de petits coups de marteau si précis et si
réguliers que je restai un bon moment à le regarder, émerveillé.
    On
avait prévenu les tenanciers, dont on voulait l’aide, et le lendemain, à la
pique du jour, les faucheurs, nos soldats  – j’entends nos deux soldats,
Coulondre ne pouvant faucher en raison de son bras de fer — Faujanet,
Jonas, Michel et Benoît Siorac, le Maligou, Fougerol (de Taniès), et Délibie de
la Flaquière se mirent en ligne en bordure de notre champ des Hauts Prés,
prenant bien leurs distances avec chacun son voisin pour que la coudée fût
franche.
    Comme
j’allais sur mes dix ans et Samson aussi, j’avais obtenu de me lever moi aussi
ce jour-là dans la nuit noire et de couper les orties du chemin d’une mauvaise
faux ébréchée, moi fauchant et Samson râtelant, ou l’inverse. François, lui,
montait la garde avec la frérèche et Coulondre Bras-de-fer, patrouillant à
cheval avec eux le long de la crête et à l’orée du bois, un pistolet non chargé
dans les fontes et le poing sur la hanche. Mais dès que le soleil arda, il se
fatigua du tape-cul de son petit hongre noir et rentra au logis pour ne même
pas revenir manger avec nous sous le gros noyer à onze heures, n’aimant pas se
mêler à nos gens et ne se sentant pas aimé d’eux. Car nos Périgordins
apprécient chez un jeune drole, outre la vaillance à la tâche, un regard clair,
un rire gai et une prompte parole, et peu leur plaisaient les silences de notre
aîné, pour ce qu’ils avaient appris à se méfier de l’homme qui se tait, comme
du chien qui n’aboie pas.
    Avec
les grandes pluies de ce juillet pourri, les orties avaient grandement prospéré
en taille et en nombre, et Samson et moi nous commençâmes un terrible massacre,
les passant au fil de l’épée sans en épargner une seule. « Tiens, vilain
Anglais, disait Samson, voilà qui t’apprendra à venir occuper Calais, au lieu
que non pas rester dans ton royaume ! » On tua des milliers de ces
malheureux, d’autant qu’ils se défendaient peu, balançant bêtement leurs
feuilles urticantes et leurs tiges si faciles à trancher qu’un bâton eût suffi.
    — Holà,
mes droles ! dit mon père, mi-sérieux, mi-se gaussant, du haut de son
cheval, vous êtes en retard sur l’histoire du royaume. Les Anglais ne sont plus
nos ennemis depuis qu’ils ont rendu Calais, et depuis qu’à la sanglante Mary a
succédé Elizabeth, laquelle n’est point papiste, comme je vous l’ai dit.
    Les
faucheurs, alignés, attendaient le signal des Capitaines pour

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