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Fortune De France

Fortune De France

Titel: Fortune De France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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assaillant,
Emmanuel-Philibert de Savoie  – qui n’avait cessé de porter ce titre alors
même qu’il ne possédait pas un seul pouce de terre savoyarde  – entra à l’hôtel
des Tournelles pour se présenter au Roi, celui-ci, déjà tout armé et casqué,
lui dit en riant :
    — Or
ça, mon frère, serrez bien les genoux, car si je puis, je vous ferai vider les
étriers, sans respect de notre alliance.
    Il
n’y parvint pas, cependant, chacun des deux adversaires brisant sa lance sur le
bouclier de l’autre, et le duc, son tronçon jeté, empoignant l’arçon de sa
selle et branlant quelque peu mais sans tomber. Les juges donnèrent l’avantage
au Roi, mais après la deuxième course qu’il courut contre le duc de Guise,
celui-ci n’ayant pas bronché, et Henri II pas davantage, ils opinèrent
pour l’égalité. La troisième et dernière course que le Roi devait courir
l’opposait au comte de Montgomery, capitaine des Gardes. C’était un grand et
roide jeune homme dans toute la force de ses vingt ans, et le Roi et lui se
choquèrent à outrance, brisant chacun leur lance, mais sans que les juges
donnassent avantage à l’un ou à l’autre, ce qui piqua fort le Roi. Il haussa sa
visière et il cria qu’il voulait avoir sa revanche contre Montgomery et courir
une quatrième course.
    Cette
prétention était si manifestement contre les règles des joutes (car le tenant
devait trois courses et non point quatre) qu’elle rencontra quelque
opposition : de la part de M. de Vieilleville, qui entrait au même instant
en lices pour courir, en tant que tenant, ses trois courses, et de Montgomery
lui-même qui, en tant qu’assaillant, ne pouvait donner qu’une course et
craignait que les autres assaillants ne lui reprochassent d’avoir outrepassé ses
droits. Mais le Roi, élevant le ton, ne voulut rien entendre, renvoya M. de
Vieilleville hors des lices et commanda à Montgomery d’y entrer à nouveau. Ce
que fit Montgomery, très à contrecœur, et plus roide que jamais.
    L’obstination
du Roi avait créé un certain malaise chez les spectateurs, si bien que lorsque
la course commença, les trompettes et clairons qui, dans les courses
précédentes, avaient sonné à tue-tête et oreilles étourdies, restèrent
silencieux. Et ce qui fut plus tard estimé comme un présage funeste, cette
course-là se déroula dans le plus mortel silence.
    Tout
se passa alors très vite. Les deux assaillants brisèrent chacun leur lance,
mais Montgomery, toujours aussi tendu, au lieu de jeter à terre son tronçon
comme il aurait dû, garda dans sa main le tronçon brisé. Et son coursier
poursuivant, après le choc, son furieux galop, ledit tronçon porta contre la
tête du Roi, soulevant la visière de son heaume, et lui crevant l’œil. Le Roi
lâcha son bouclier, bascula en avant, avec juste assez de forces pour embrasser
le col de son cheval qui, toujours au galop, l’emporta jusqu’à l’extrémité des
lices où les officiers royaux l’arrêtèrent. « Je suis mort », dit le
Roi d’une voix faible en tombant dans les bras du Grand Écuyer.
    Il
survécut dix jours dans des souffrances atroces. Philippe II envoya de
Bruxelles Vésale, le célèbre chirurgien qui, aidé d’Ambroise Paré, sonda la
plaie et tâcha d’en retirer les esquilles de bois de la lance. Pour essayer de
comprendre l’étendue du mal, les deux grands médecins se firent donner par la
Conciergerie quatre têtes de criminels qu’on venait de décapiter, et contre ces
têtes ils choquèrent avec force le tronçon de Montgomery. Mais ces macabres
expériences leur apportèrent peu de lumières.
    Le
Roi reprit ses esprits le quatrième jour et ordonna qu’on pressât le mariage de
sa sœur et de sa fille, avec ses ennemis de la veille. Ce qui fut fait, mais
dans l’affliction des esprits et l’attente d’une issue fatale, ces noces sans
hautbois ni violons évoquaient un convoi funèbre. En suivant le silencieux
cortège, on se répétait la sinistre prédiction de Nostradamus :
     
    Le lion jeune le vieux surmontera
    En champ bellique par singulier duel ;
    Dans cage d’or les yeux lui crèvera,
    Deux plaies une ; puis mourir mort cruelle.
     
    On
soulignait à voix basse que le « lion jeune » désignait, de toute
évidence, Montgomery, et « la cage d’or » le heaume doré du Roi.
    Le
Roi mourut deux jours après les mariages princiers, le 10 juillet 1559. Le
récit que je viens d’en faire parvint à Mespech

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