Fourier
l’éveil émotionnel et
moral qui prend le pas. De neuf ans à vingt ans, les enfants passent par trois
groupes différents : les lycéens (de neuf à douze ans), les gymnasiens (de
douze ans à quinze ans et demi) et les jouvenceaux (de quinze ans et demi à
environ vingt ans). Fourier soutient qu’entre neuf et quinze ans ce sont les
passions de l’amitié et de l’honneur qui prédominent. L’enfant n’est pas encore
(toujours selon Fourier) mû par des pulsions sexuelles et la loyauté envers ses
pairs est bien plus importante pour lui que les liens familiaux. C’est
naturellement à cette période que se nouent les grandes amitiés et que
culminent la dévotion altruiste au groupe et la prédisposition aux nobles
actions. Ces tendances coexistant chez les pré adolescents avec de fréquentes
pulsions d’égoïsme antisocial, elles sont canalisées et unifiées par l’éducation
de manière à servir le bien commun. Fourier a conçu à cet effet deux
organisations volontaires pour les enfants de neuf à quinze ans : les Petites
Hordes et les Petites Bandes 22 .
Les Petites Hordes regrouperont tous les jeunes qui se
montreront naturellement rebelles, obstinés, obscènes et, surtout,
irrésistiblement attirés par la saleté, l’excrément et le danger. Ce seront,
pour les deux tiers au moins, des garçons. Les Petites Bandes, elles, seront
formées des enfants dociles et studieux (en majorité des filles), passionnés
par le déguisement et les manières raffinées. Selon Fourier, l’attirance pour
la saleté et le danger tout comme l’amour des belles parures peuvent être
utilisés à des fins sociales, à condition d’être judicieusement combinés avec
le culte de l’honneur et de l’amitié qui caractérise les jeunes adolescents.
L’énergie des Petites Hordes peut ainsi être orientée vers des tâches
essentielles comme le ramassage des ordures, l’entretien des routes, et le
nettoyage des abattoirs et des lieux d’aisances. On les encouragera à accomplir
ces travaux « comme œuvre pie, acte de charité envers la Phalange, service de
Dieu et de l’unité 23 ». Quant aux
Petites Bandes, elles seront chargées de décorer la Phalange, dessiner les
uniformes, cultiver les fleurs et veiller au maintien de mœurs raffinées et
d’un langage châtié. Elles pourront ainsi satisfaire leur goût de l’ornement
tout en se rendant utiles à la société.
Les dernières étapes de l’éducation harmonienne visent à donner
une expression également bénéfique pour la société à la passion naissante de
l’amour. Fourier conçoit à nouveau deux groupes ou corporations pour rallier la
jeunesse harmonienne. Les Vestales rassemblent ceux (ou celles, puisque ce sont
en majorité des jeunes filles) dont une solide volonté parvient à préserver la
virginité jusqu’à l’âge de dix-neuf ou vingt ans. Ceux (en majorité des jeunes
gens) dont les pulsions sexuelles sont plus précoces et incontrôlables forment
le groupe des Damoiseaux. Ces deux clans sont appelés à jouer un rôle très
important dans la vie de la communauté 24 .
Comme leurs homonymes, les gardiennes du temple sacré de la
déesse Vesta à Rome, les Vestales de Fourier font l’objet d’un « culte
semi-religieux 25 ». Elles sont
vénérées par les plus jeunes et tout particulièrement par les Petites Hordes,
qui forment leur garde d’honneur. Gardiennes « du feu sacré, celui des mœurs
loyales et généreuses et de l’Attraction industrielle », elles participent à
toutes les cérémonies, où elles escortent les dignitaires en visite et portent
les bannières aux réunions des armées industrielles. A la différence des
Vestales romaines, les Vestales de Fourier sont composées d’un tiers d’hommes.
« On ne commettra pas, en Harmonie, l’inconséquence de créer des vestales sans
créer des vestels : ce serait imiter la contradiction de nos coutumes, qui
veulent que les femmes soient chastes et qui tolèrent la fornication chez les
hommes [...], duplicité digne de la civilisation 26 . »
D’ordinaire, quand un enfant atteint l’âge de quinze ans et
demi, il est automatiquement enrôlé dans les Vestales. Mais Fourier note
qu’après quelques mois certains trouveront le joug de la chasteté trop lourd à
porter. Ils prendront alors place chez les Damoiseaux, qui comptent un tiers de
filles et deux tiers de garçons. Les membres de ce groupe sont considérés comme
des traîtres par les plus jeunes
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