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Fourier

Fourier

Titel: Fourier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jonathan Beecher
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restreignant ses besoins et désirs 3 . La question de la sexualité n’y est pas
totalement éludée : souvent, dans ces ouvrages, on trouve même des stipulations
compliquées concernant le mariage, la cour amoureuse et, d’une manière
générale, l’ordonnancement des relations entre homme et femme. Il n’en reste
pas moins que la sexualité y est considérée ou bien purement sous l’angle de la
procréation, ou alors comme une source potentielle de discorde : sa stricte
réglementation permettra à la fois d’améliorer l’espèce humaine et de se garder
des maux qui viennent de la rivalité amoureuse. L’utopie de More, par exemple,
édicté de strictes lois contre toute relation extra conjugale et requiert un
examen prénuptial, où les futurs époux doivent se déshabiller et inspecter
réciproquement leurs corps nus. Dans La Cité du Soleil de Tommaso Campanella,
les femmes n’ont pas recours « aux fards et aux pantoufles qui grandissent » ;
quiconque est surpris « en délit de sodomie » est gravement puni, parfois de la
peine capitale ; il faut observer une continence parfaite jusqu’à vingt et un
ans, après quoi hommes et femmes, « après force ablutions », font l’amour «
tous les trois soirs », la société veillant à l’assortiment des couples, de
manière à assurer « une belle descendance ».
    Si quelqu’un s’éprend d’une femme, il a droit de lui
parler, de lui dédier des poésies, de plaisanter, d’offrir des fleurs et des
plantes. Mais si la race est en cause, ils n’ont pas le droit de s’aimer
physiquement, à moins qu’elle soit enceinte ou stérile. Il n’y a le plus
souvent pas d’autre amour chez eux qu’amitié. Ils sont exempts des ardeurs de
la passion 4 .
    La méfiance à l’égard de la passion amoureuse, si
caractéristique de cette tradition, est poussée à l’extrême par le prêtre
français Gabriel de Foigny dans son roman utopiste La Terre australe, paru en
1676. L’utopie de Foigny est peuplée d’hermaphrodites qui s’engrossent
eux-mêmes et procréent par la cuisse : n’éprouvant pas le désir d’avoir des
relations sexuelles, et en étant d’ailleurs physiquement incapables, ces
utopiens « s’aiment d’un amour cordial et l’amour est égal pour tous 5 ».
    Sans pousser l’extravagance aussi loin que Foigny, beaucoup
d’écrivains utopistes du XVIIIe siècle restent d’avis que l’instauration d’une
société idéale implique d’entraver la pulsion érotique. Dans L’An 2240, de
Louis-Sébastien Mercier, par exemple, la monogamie est de règle et le rôle des
femmes se limite à « s’acquitter de la seule tâche qui leur soit imposée par le
créateur: enfanter et consoler 6 ».
Toutefois, à côté des utopies relativement austères d’un Mercier ou d’un Mably,
on assiste peu à peu à l’apparition d’une vision nouvelle et plus tolérante de
l’utopie. Inspirés en partie par les récits de Cook et Bougainville sur leurs
voyages à Tahiti, en partie par toute une littérature de voyages qui évoque des
mœurs exotiques et jusqu’alors inconnues, en partie par le déclin général que
connaît la piété chrétienne au cours du siècle, un certain nombre d’utopistes
commencent à faire entrer plus de sensualité dans leur définition du bonheur et
à envisager le plaisir érotique comme une composante, voire l’objectif premier,
de la société idéale. On voit paraître un certain nombre d’ouvrages qui
idéalisent la vie à Tahiti et utilisent les voluptueuses amours des habitants
des mers du Sud (du moins tels qu’on les imagine) comme contre-modèle pour
faire le procès des lois et des mœurs répressives du monde civilisé. Dans la
plus célèbre de ces œuvres, le Supplément au voyage de Bougainville, de
Diderot, écrit en 1772 et publié seulement en 1796, le mariage monogame est
présenté comme une grave violation de l’ordre naturel.
    Rien en effet ne parait-il plus insensé qu’un précepte
qui proscrit le changement qui est en nous, qui commande une constance qui n’y
peut être, et qui viole la nature et la liberté du mâle et de la femelle en les
enchaînant pour jamais l’un à l’autre ; qu’une fidélité qui borne la plus
capricieuse des jouissances à un même individu ; qu’un serment d’immutabilité
de deux êtres de chair, à la face d’un ciel qui n’est pas un instant le même,
sous des antres qui menacent ruine, au bas d’une roche qui tombe en poudre, au
pied

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