Fourier
pour un exemplaire corrigé à la
plume si l’on achète chez l’auteur, C.F., rue Neuve Saint Roch, Hôtel Saint Roch,
39. S’adresser en son absence au maître ou au portier de l’hôtel 23 .
Chez les candidats les plus prometteurs, il dépose également un
exemplaire du Traité ainsi qu’une lettre plus conséquente. La plupart de ces
lettres ont sans doute rapidement fini à la corbeille ; l’une d’entre elles,
adressée à John Barnet, consul des Etats-Unis à Paris, a été conservée et donne
probablement une idée assez fidèle de la manière dont Fourier pouvait
solliciter les fondateurs pressentis :
Aucun pays n’est plus intéressé que le vôtre au prompt
essai de la découverte que je publie. Vous avez besoin de policer vos féroces
voisins, les Creeks, les Cherokees, etc. ; ces sauvages, de même que toutes les
hordes, ne s’enrôleront à l’agriculture qu’autant qu’on la leur présentera dans
l’ordre naturel et attrayant, ordre des séries contrastées. L’épreuve qui doit
déterminer l’adhésion de tous ces sauvages sera encore moins coûteuse aux
Etats-Unis qu’en Europe ; car les terres et les bois de construction abondent
en Amérique 24 .
Les éditeurs des journaux parisiens ont également droit à un
nouveau courrier. Sur un ton plus circonspect, Fourier informe l’éditeur du
Journal des débats que la Phalange d’essai est une expérience mesurée
d’association agricole qui peut ne concerner que cinq cents « cultivateurs 25 ». Aux quotidiens, il offre sa
collaboration, se proposant d’écrire des « articles détachés, parfois amusants
et parfois graves », qui attireraient l’attention sur les « bévues
scientifiques et industrielles » des journaux concurrents. Tous ces articles
feraient référence à une doctrine qu’il communiquerait aux éditeurs : les
lecteurs, eux, y seraient initiés petit à petit, sans peine, jusqu’à ce que le
journal en question puisse ouvertement se déclarer partisan de la théorie de
l’association 26 .
Plusieurs mois passent sans résultat. Même Le Drapeau blanc,
tenu par Martainville, vieille relation lyonnaise de Fourier, refuse la moindre
annonce. Quelques-uns des destinataires de Sommaires, comme Benjamin Constant,
répondent d’une lettre polie, mais la plupart d’entre eux ne se donnent pas
même cette peine. Enfin, au début de l’année 1824, un compte rendu paraît dans
une petite revue appelée Bulletin universel des sciences et de l’industrie.
L’auteur, le baron de Férussac, y reprend les habituelles critiques sur la
forme : le travail de Fourier manque de clarté et il est « d’une lecture
pénible sous tous les rapports ». Mais « l’idée mère » de l’association est «
du plus haut intérêt », et si les hommes continuent sur la voie du progrès, « la
force des choses conduira à l’application de son idée ». Férussac conclut en
exhortant Fourier ou bien toute autre personne « capable et laborieuse » à
reformuler les mêmes idées dans un style plus « accessible au public 27 ».
Malgré certaines réserves de Férussac et bien que Fourier ait pu
relever « sept erreurs » dans son compte rendu, il est enchanté : il n’est pas
si fréquent que de son vivant un membre de l’intelligentsia considère avec
sérieux ses idées. Malheureusement, les choses en restent là. La lettre que le
consul des Etats-Unis, John Barnet, adresse à un ami avec le livre qu’il n’a
pas ouvert est sans doute plus typique du genre de réaction que le Traité a pu
susciter à l’époque : « Au premier coup d’œil, il apparaît qu’il s’agit soit
d’une véritable curiosité, soit de l’émanation d’un cerveau dérangé 28 . »
Le 3 janvier 1824, Fourier informe Muiron que la distribution de
Sommaires lui a valu de vendre... trois exemplaires du Traité : « Les Parisiens
sont bêtes d’habitude, et s’ils ne sont pas poussés par les journaux, rien ne
peut les stimuler. » Un mois plus tard, la situation est inchangée : « Vous
vous étonnez (et moi aussi) que le Sommaire ne produise aucun effet », écrit-il
à Muiron. « Je n’ai pas porté en compte qu’à Paris la classe dite savante et
lettrée est tellement méprisée qu’un homme qui arrive de province avec une
découverte est regardé comme un homme dangereux qu’on doit fuir. Croiriez-vous
que M. de Villebois qui, à Belley, m’avait demandé une note (remise en 40
pages) ne m’a même pas fait une réponse sur
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