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Fourier

Fourier

Titel: Fourier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jonathan Beecher
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d’une telle démarche, mais saint Augustin
s’est bien converti à l’âge de trente-sept ans, et l’héritage de Saint-Simon
est par ailleurs bien maigre. S’ensuit une critique du saint-simonisme qui
trahit une connaissance assez superficielle du système : « Il n’y a dans cette
doctrine aucun ressort neuf. Elle repose sur toutes les vieilles erreurs :
morcellement en industrie agricole et domestique, fausse concurrence ou lutte
mensongère en commerce, échelle simple en répartition, impuissance complète en
moyens d’éclosion des instincts. » La doctrine saint-simonienne est « tellement
sujette à controverse », fait-il remarquer, en prenant pour preuve une
intervention de la veille, « que la moindre objection entraîne le bureau dans
un ergotisme interminable ». La théorie de l’attraction passionnée a « une
propriété contraire : elle tranche sur toute objection par des moyens de fait
». Cette lettre à Prosper Enfantin s’accompagne d’une « Note à la Société
saint-simonienne sur l’invention des séries passionnées », où Fourier résume en
dix pages l’essentiel de sa théorie et réitère sa demande d’aide financière 11 .
    Une telle naïveté doublée d’une telle assurance ont pu amuser
Prosper Enfantin ; ce dernier n’en laisse pourtant rien transparaître dans sa
réponse courtoise et promet de lire Le Nouveau Monde industriel « avec toute
l’attention qu’invitent les questions que vous y traitez, attention qui a déjà
été donnée à votre précédent ouvrage ». En revanche, il lui paraît prématuré d’engager
une discussion puisque Fourier avoue ne connaître la doctrine saint-simonienne
que par « une ou deux séances de la rue Taranne ». Pour remédier à cela,
Enfantin dépêche à Fourier « quelques uns des ouvrages de Saint-Simon et de son
école, que j’ai en ce moment sous main », en le priant de les étudier 12 .
    Fourier est surpris de ce qu’Enfantin n’accepte pas avec
enthousiasme ses propositions. Mais il en faut plus pour le décourager : sans
perdre trop de temps à compulser les ouvrages proposés, il rédige une nouvelle
note dans laquelle il réaffirme sa position et détaille certaines de ses
objections à la doctrine de Saint-Simon. Il reproche avant tout aux
saint-simoniens d’être des moralistes cherchant à modifier la nature humaine,
au lieu d’assurer les conditions matérielles nécessaires à l’épanouissement
total des passions existantes ; ils se sont engagés dans une « gigantesque »
entreprise vouée à l’échec, tandis que sa propre théorie peut être aisément
vérifiée avec une seule communauté et une petite parcelle de terre. Fourier
s’inscrit également en faux contre ce qu’il appelle la « tendance
ploutocratique » des saint-simoniens, à savoir leur admiration pour les dons
d’entreprise et d’organisation des grands industriels et banquiers, auxquels il
attribue beaucoup des maux de la société moderne. Enfin, les saint-simoniens,
selon lui, font « fausse route en parodiant le catholicisme et en attaquant
pacifiquement ou non la propriété, la religion et le pouvoir », tandis que sa
propre méthode fonctionnerait « sans chicaner ni ministres ni prêtres, sans
s’emparer des finances de France 13 ».
    Bien que Fourier n’ait qu’une connaissance visiblement
superficielle du saint-simonisme, sa lettre est intéressante à plus d’un titre
: elle a le mérite de résumer assez clairement quelques-unes des différences
essentielles qui distinguent les deux doctrines, et de montrer avec quelle
insistance Fourier soulignait le caractère modéré et non révolutionnaire de ses
méthodes lorsqu’il les confrontait à celles d’un autre radical. Ses propos ne
témoignent toutefois ni de la même attention ni de la même générosité que la
longue et prompte réponse d’Enfantin, lequel s’efforce de répondre aux
objections de Fourier, tout en émettant les siennes propres, et tente de
trouver les points communs aux deux doctrines. Enfantin reproche à Fourier de
n’avoir pas indiqué les forces historiques qui rendraient possible sa vision de
l’avenir, réfute ses théories sur la propriété et l’héritage (« plus d’héritage
par droit de naissance, mais par droit de capacité »), et critique l’idée d’un
essai d’association à petite échelle. Mais il écrit aussi : « Vous souffrez,
Monsieur ; la société où vous vivez vous pue ; la position relative des oisifs
et

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