Fourier
moins de place possible aux grandes généralités [...]
Il est de la plus haute importance de prouver au public que nos théories sont
applicables aux questions spéciales d’organisation. » Fait significatif, le
rôle précis de Fourier n’est mentionné qu’une seule fois : « Je suppose qu’on a
préalablement [à ses réformes] indiqué à Monsieur Charles Fourier les limites
de ses articles qui sont considérés comme en dehors de notre rédaction. » Ce
que propose en fait Transon, c’est de laisser Fourier écrire ce qui lui plaît,
tout en en limitant la longueur, et d’établir indépendamment de lui la
politique éditoriale du journal.
Ces mesures sont adoptées et dans le dernier numéro de l’année 1832
l’on peut lire l’annonce suivante :
A partir du 1er janvier 1833 la publication de La
Réforme industrielle (ou Le Phalanstère) n’aura plus pour unique objet
l’exposition de la théorie sociétaire, théorie qu’on peut d’ailleurs étudier
dans les ouvrages de M. Fourier et de ses disciples.
Désormais la rédaction, tout en continuant de rester
absolument étrangère aux débats de la politique quotidienne, se portera de
préférence sur les questions d’intérêt général comprises sous la dénomination
de politique industrielle 43 .
Quatre nouvelles pages viendront s’ajouter aux huit initiales et
le journal traitera également de tous les sujets scientifiques, littéraires et
artistiques présentant une quelconque « valeur sociale ». Une courte note
éditoriale conclut le numéro : « L’article que M. Charles Fourier donne
habituellement pour chaque numéro n’a pas trouvé place aujourd’hui ; l’espace
qui était réservé dans la mise en page n’étant pas suffisant 44 . »
Au début de l’année 1833, les disciples conjuguent donc leurs
efforts pour rendre le journal plus vivant et plus proche des préoccupations du
grand public. Paraissent alors des comptes rendus de livres ainsi que des
articles traitant des problèmes sociaux de l’époque, ou reprenant les débats en
cours sur la médecine, l’éducation, l’agriculture. Parallèlement, le ton se
fait plus incisif. Le Phalanstère engage des polémiques avec la Revue des Deux
Mondes, la Tribune, la Revue encyclopédique. Des annonces publicitaires sont
placées dans les quotidiens populaires tels que Le National, Le Temps, Le
Journal des débats et Le Constitutionnel 45 .
Fourier, lui, poursuit son chemin. Il continue de rédiger des
articles qui sont de plus en plus souvent source de conflit. Les disciples ne
lui reprochent pas seulement son « mauvais goût » et ses « bouffonneries »,
mais la longueur de ses chroniques, ainsi que ses modifications et
substantielles additions de dernière minute. « Malgré toutes mes observations
», lui écrit Transon, « vous continuez à donner à vos articles une longueur
tout à fait disproportionnée à l’étendue de notre journal 46 ». Les éditeurs tentent alors d’imposer à
Fourier une limite de quatre colonnes par numéro, mais sans plus de succès :
les articles sont toujours aussi longs et se font toujours attendre. Quand,
pour des raisons de place, il faut couper quelques lignes d’un papier
retardataire, Fourier s’emporte ; s’il est prévenu à l’avance, il retire son
article. Les disciples ont du mal à accepter de telles réactions, surtout
lorsque la mise sous presse est imminente. « Non, Monsieur », proteste Transon
le jour où il reçoit une demi-colonne supplémentaire pour un article déjà long
de cinq colonnes, « ce n’est pas le jeudi matin qu’il faut me mettre dans cette
alternative! Le jeudi matin le journal est fait. Le jeudi matin vous ne pouvez
pas retirer un article de la longueur des vôtres sous prétexte qu’ils sont
tronqués, si on ne les allonge pas d’une demi-colonne. Je suppose que vous me
disiez le lundi matin : “ J’aime mieux que mon article ne passe pas. ” Alors il
me resterait du temps pour en trouver un autre. Le jeudi c’est impossible 47 . »
Si la révision de ses articles par ses disciples déplaît à
Fourier, ce qu’il lit dans les leurs ne le console pas. Plusieurs fois, il
dénonce leurs prises de position. En mars 1833, Charles Pellarin a consacré
deux articles aux points communs de la théorie des passions de Fourier et des
travaux des phrénologues Gall et Spurzheim. Fourier, en guise de réponse,
occupe tout un tiers de numéro à vitupérer « ce genre de service que
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