Fourier
terrains
faits. Nous devons faire l’opération en six semaines. Peut-on le faire en
février pour qu’on puisse le labourer et semer en mars vierge ? Car nos six
semaines ne doivent dater que du premier mai environ.
Si beau temps au 20 ou 25 avril on commence. Nous ne
voulons de céréales que peu d’arpents pour varier.
Rambouillet est fort bon.
Je sais qu’il y a courant d’eau et terrain varié...
La marche que je vais suivre dorénavant sera de sonder
les sociétés ainsi que celle de M. Laisné de Villevêque.
Il a fallu attendre le temps nécessaire pour que le
journal eût pris aplomb et consistance. Deux mois.
Ces deux mois écoulés, je vais commencer les essais sur
un plus vaste plan. Mais nous sommes au début du second acte 11 .
A partir de la fin juillet, Fourier consacre bon nombre de ses
articles du Phalanstère à la Phalange d’essai. Il n’ajoute rien qu’il n’ait
déjà dit et redit dans ses livres. En revanche, il ajuste à la baisse (2 500
000 francs) son calcul initial du coût de la Phalange 12 . Il trouve d’autre part que ses disciples
s’intéressent trop aux « expériences en matériel sur les instruments aratoires,
les assolements, les élèves, etc. » et leur rappelle que le but de la phalange
n’est pas de créer une « ferme-modèle », mais de libérer les passions refoulées
afin de les utiliser à bon escient 13 .
De la mi-août à la mi-novembre 1832, mis à part les articles de
Fourier, Le Phalanstère ne publie aucune information sur les activités de la
Société de fondation. En coulisse, cependant, les choses se précisent : le
docteur Alexandre Baudet-Dulary, député de la Seine-et-Oise, commence à
s’enquérir du projet*.
* Alexandre-François Baudet-Dulary (1792-1878) est issu
d’une famille bourgeoise prospère et propriétaire de nombreuses propriétés
foncières en Seine-et-Oise. Il obtient son doctorat en médecine à Paris en
1814. Bien qu’il semble avoir abandonné la pratique médicale avant de se
joindre aux fouriéristes, il reste passionné de physiologie, d’hygiène
publique, et de cette science presque honorable à l’époque qu’est la
phrénologie. En 1831, il est élu député d’Etampes, mais renonce à son siège
afin de consacrer toute son énergie à la mise en place de la Phalange d’essai.
Bien que son enthousiasme pour les idées de Fourier lui ait coûté une fortune,
il restera jusqu’à sa mort un de ses disciples les plus fervents. (Outre les
livres de référence, l’on peut consulter le texte de Jules Prudhommeaux, repris
in Henri Desroches, La Société festive, 220-235.)
Homme de biens et d’influence, Baudet-Dulary accorde aux idées
de Fourier un intérêt bien plus prononcé que n’importe lequel des candidats
pressentis jusqu’alors. Il parvient d’autre part à communiquer un peu de son
enthousiasme à une de ses connaissances, Joseph-Antoine Devay, agronome de son
état, ancien élève du célèbre Institut agricole de Mathieu de Dombasle à
Roville. Devay est un partisan des méthodes pragmatiques et expérimentales de
Dombasle, méthodes qu’il essaie en vain d’appliquer dans une ferme achetée deux
ans plus tôt à Condé-sur-Vesgre, en lisière de la forêt de Rambouillet 14 .
Au moment où les fouriéristes commencent à étudier de plus près
le terrain, l’on ne peut pas dire que l’entreprise de Devay soit prospère. La
terre, sableuse et aride, n’a favorisé la mise en culture que d’une petite
parcelle. Un fabricant parisien qui s’était porté acheteur en 1792 avait
beaucoup fait construire, mais depuis la propriété a changé quatre fois de main
: étables et granges sont à l’abandon ; le gibier est venu, depuis la forêt de
Rambouillet, saccager bois et prairies. Dans une lettre adressée aux disciples à
la fin du mois d’août, Devay ne cherche pas à déguiser la réalité : il leur
faudra nettoyer, marner, fertiliser la terre, et, s’ils veulent suivre ses
conseils, « faire des travaux d’ébauche avant de [se] constituer en ordre
sociétaire ». Devay est plus que pessimiste concernant la fertilité du sol : «
Je n’ai pas la prétention de donner toutes ces terres comme actuellement
productives : je dis plus, bien qu’ayant l’apparence et la consistance d’un
terreau, elles sont, après le défrichage pur et simple à la charrue, d’une
stérilité complète. » Il faudrait fouiller et brûler la terre afin d’en
éliminer la trop grande
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