Fourier
système ;
ils partagent ou en viennent à partager l’opinion d’Abel Transon, pour qui
l’association fouriériste est le plus sûr moyen de parvenir aux buts du
saint-simonisme. C’est bien ainsi que le comprend le polytechnicien Charles
Didion, qui déclare dans une lettre à Transon : « Il nous paraît qu’à ce génie
original [Fourier] doit appartenir la Réalisation des Promesses générales
faites par le Saint-Simonisme 2 . »
Dans la plupart de ses écrits, et notamment dans Le Nouveau
Monde industriel, Fourier a cherché à planifier l’organisation d’une communauté
modèle. La création du Phalanstère, dont le but avoué est l’établissement d’une
telle communauté, lui donne l’occasion de travailler à une nouvelle série de
plans, en collaboration cette fois avec ses disciples. Il en résulte un
document qui paraît dans le premier numéro de la revue sous le titre « Statuts de
la Société de fondation 3 ». Ce
document, signé Fourier, Muiron et Paul Vigoureux, précise que la Phalange
d’essai devra compter environ onze cents hommes, femmes et enfants « choisis
d’abord dans la classe inférieure ».
Convaincu que le travail de la terre est en soi plus agréable
que le travail industriel, Fourier envisage une communauté essentiellement
composée d’agriculteurs : quatre cinquièmes de cultivateurs pour un cinquième
seulement de manufacturiers. Un capital de fonctionnement de quatre millions de
francs sera constitué par vente d’actions cotées à mille francs. Sur
l’organisation quotidienne de la Phalange, les statuts ne s’étendent guère, si
ce n’est pour indiquer que la responsabilité sera confiée à trois gérants dont
le travail sera contrôlé par un comité de syndics élus parmi les actionnaires
*.
* Les trois gérants désignés par les statuts sont Paul
Vigoureux, trésorier, Just Muiron, gérant organisateur, et Charles Fourier,
gérant directeur. Fourier, en tant que gérant directeur, aurait pour tâche de «
présider à la distribution de tout le mécanisme de la Phalange » et de « régler
l’application de la méthode sociétaire ». Un comité de sept syndics serait élu
par l’assemblée générale des actionnaires. Deux syndics pressentis étaient déjà
nommés dans les statuts : Désiré-Adrien Gréa, élu député du Doubs en 1829, et
le Docteur Alexandre Baudet-Dulary, un jeune député de Seine-et-Oise sur lequel
nous aurons l’occasion de revenir.
Les statuts précisent que le profit sera « réparti, d’après le
procédé sociétaire, proportionnellement aux trois facultés industrielles,
travail, capital et talent, de tous les coopérateurs actionnaires ou
travailleurs ». Ils garantissent également à chacun le droit de « choisir
librement les travaux de son goût en industrie agricole, manufacturière et
autres 4 ».
Parallèlement aux « Statuts de la Société de fondation », le
premier numéro du Phalanstère contient un article de Fourier intitulé «
Programme de la fondation proposée 5 », qui semble destiné à préciser certains points. Malheureusement, comme
beaucoup des papiers que Fourier fournira par la suite au Phalanstère, celui-ci
est décousu, verbeux car l’auteur y passe plus de temps à fustiger les
owenistes et les saint-simoniens qu’à traiter de son prétendu sujet. Il précise
cependant que la communauté serait une simple association, forme appropriée au
stade historique de transition qu’est le Sociantisme. Il fournit également
quelques indications laconiques sur la manière dont il entend utiliser le
capital de quatre millions de francs. Le terrain de la Phalange ne coûterait «
pas plus de 1 500 000 francs » : un million de francs pour la construction des
bâtiments temporaires (et non pas les « édifices fastueux » nécessaires à une
expérience d’association totale), 500 000 francs pour l’achat du bétail et la
plantation d’arbres fruitiers; 500 000 francs encore pour meubler ateliers et
logements ; 500 000 francs enfin pour la nourriture et les vêtements avancés à
chacun des membres la première année. Cela ne permettrait certes pas aux
premiers Phalanstériens de se nourrir de « bisque et ortolans » ; en revanche,
onze cents « prolétaires » pourraient savourer une cuisine bien supérieure à
tout ce qu’ils auraient goûté jusque-là, ce qui, pour Fourier, était primordial
: « La Phalange d’essai aura ses ateliers de boulangerie, boucherie,
charcuterie,
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