Fourier
partisan du fouriérisme et du magnétisme, L’Impartial, III, 20 (9 juin
1831).
Pendant deux ans après sa découverte des Quatre Mouvements,
Muiron continue à parler du livre partout où il trouve des oreilles pour
l’entendre. Il est bientôt connu de tout Besançon comme un « zélé partisan » de
la théorie de l’attraction passionnelle 16 .
Il essaie à cette époque d’entrer en contact avec l’auteur. Mais Fourier ayant
indiqué comme toute signature « M. Charles, de Lyon », ce n’est pas chose
aisée. Ce n’est qu’au début de 1816, grâce semble-t-il à l’aide de Georges de
Rubat, le neveu de Fourier, que Muiron finit par localiser l’auteur.
En février 1816, peu après l’arrivée de Fourier dans le Bugey,
Muiron lui écrit une première lettre, où il raconte l’impression que les Quatre
Mouvements ont produite sur lui et s’enquiert de la souscription que l’auteur
parlait d’y ouvrir. Cette lettre reste sans réponse, mais Muiron persiste. A la
mi-avril, il fait porter une autre lettre personnellement à Fourier, par un
messager qui n’est autre que Garin de Lamorflanc, le futur époux de Fanny de
Rubat. Cette fois, il reçoit une réponse, où Fourier décrit les tribulations
qui ont été les siennes depuis 1808 et les plans qu’il forme pour l’avenir :
Il n’y a pas de souscription établie pour la fondation d’un
canton d’harmonie. Les journaux de 1808 ayant mal accueilli l’annonce et raillé
la théorie de l’attraction avant qu’elle ne fût publiée ni connue, je résolus à
cette époque de laisser les Français se désabuser par les malheurs où on les
voyait courir et ne leur parler de cette découverte que lorsqu’ils auraient
payé d’un million de têtes l’impertinent accueil qu’ils avaient fait à
l’annonce.
L’an 1813 avait amplement payé le tribut, mais les
circonstances n’ayant pas été depuis ce temps favorables à la publication d’une
nouveauté aussi extraordinaire, je n’avais pas songé à la mettre au jour. Ce
n’est que depuis cet hiver que je me suis retiré ici pour m’en occuper.
Puisque vous vous intéressez à la publication du traité de
l’attraction, je vous dirai qu’il ne paraîtra qu’en 1818 et encore sauf
l’approbation des censeurs, qui au reste y verront pour la France des bénéfices
si énormes qu’ils n’auront pas à hésiter sur l’admission de l’ouvrage.
Qu’à Besançon même, l’accueil réservé aux Quatre Mouvements ait
été plus que mitigé n’est pas pour surprendre Fourier : on sait bien que la
Franche-Comté a de vieille date la réputation d’être « la Béotie de la France 17 ».
Bien qu’empreinte de la plus parfaite courtoisie, la lettre de
Fourier était plutôt sèche, voire hautaine et un peu laconique de ton. Elle eût
rafraîchi l’enthousiasme de tout autre, mais Muiron, pour sa part, y voit « un
témoignage de franchise, de modestie et de bienveillance », et y fait une
longue réponse 18 . Fourier répond à
son tour, avec un peu plus de chaleur cette fois : en quelques mois s’établit
ainsi une correspondance qui devait durer jusqu’à la mort du maître.
II
Cette correspondance - des centaines de lettres - s’est
malheureusement perdue dans sa presque totalité. Seule consolation : Charles
Pellarin, biographe « officiel » appointé par l’Ecole sociétaire, eut accès en
son temps à la collection complète et en reconnut la valeur. Il s’inspira
largement de cette correspondance pour rédiger sa biographie et en publia de
longs extraits sous forme d’appendices dans plusieurs des diverses éditions que
connut son livre. Pour la période 1816-1820, ces extraits sont assez
substantiels pour éclairer l’efflorescence des relations entre Fourier et
Muiron comme la préparation du Grand Traité.
Muiron est un correspondant assidu. Ses lettres regorgent de
nouvelles sur les efforts que, prosélyte infatigable, il fait pour répandre la
bonne nouvelle fouriériste en Franche-Comté, comme de questions qu’il pose au
maître sur tel ou tel problème théorique ou sur le progrès de son œuvre. Il a
une méticulosité, une passion du détail au moins aussi marquées que celles de
Fourier. Il ne laisse passer aucune des omissions ou ambiguïtés des Quatre
Mouvements sans les relever. Ainsi, dans une lettre :
Ce qui me tracasse le plus maintenant sur le régime de la
Phalange en ordre sériaire, c’est le moyen de constater évidemment la
paternité.
Weitere Kostenlose Bücher