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Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Titel: Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sara Poole
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assurée qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter.
    Je m’interrompis pour examiner le Cardinal.
    — J’espère que j’ai bien fait, signore ?
    Une seconde audience en deux jours était bien entendu un grand honneur, mais c’était également le signe que quelque chose tracassait Borgia, et que cela avait à voir avec son empoisonneuse.
    — Je n’ai pas été informé d’une menace spécifique, dit-il. Toutefois…
    Ah, nous y voilà. La raison de mes semonces répétées. À la vérité, c’était probablement la raison de ma survie. Le Cardinal devait faire appel à mes services.
    — Toutefois, répéta-t-il, l’époque dans laquelle nous vivons est troublée. La santé du Saint-Père faiblit…
    — J’ai entendu dire ce matin même qu’il allait mieux.
    Borgia fronça les sourcils, mais était-ce dû à l’impertinence dont j’avais fait preuve en l’interrompant ou bien à ce que j’avais dit ?
    — Des rumeurs colportées sur la place du marché, rien de plus. Giovanni a cinquante-neuf ans et n’a jamais été de bonne constitution.
    Je me retins d’observer que le Cardinal lui-même avait deux ans de plus que le pape prétendument mourant. La comparaison entre les deux hommes était incongrue. Borgia était un homme fort comme un taureau, à qui les excès semblaient réussir ; Giovanni Battista Cibo, ainsi qu’il se nommait avant de monter sur le trône de Saint-Pierre, paraissait usé par une vie d’extravagances. Père d’au moins douze enfants, prétendument prêt à partir en croisade pour libérer la Terre Sainte alors que dans le même temps il était à la solde du sultan de Turquie, adepte de la pratique de la simonie (la vente de charges papales) pour tenter de renflouer des caisses qui ne cessaient de désemplir, ce pape avait la réputation de redouter la mort et le jugement qui s’ensuivrait au point d’être prêt à commettre les actes les plus vils pour y échapper.
    — En ces temps troublés, reprit le Cardinal, il semble simplement prudent d’exercer une vigilance accrue. Puis-je compter sur toi pour y veiller ?
    J’acquiesçai gravement.
    — Bien entendu, signore. Vous pouvez compter sur moi en toute chose.
    Borgia n’eut pas exactement l’air convaincu. Mais il semblait au moins disposé à faire semblant de me croire, pour l’instant.
    — Bien. À présent, dis-moi ce que tu sais des travaux auxquels se consacrait ton père au moment de sa mort.
    Ici il me fallait peser mes mots, indubitablement. D’un côté, je ne pouvais me permettre de révéler mon ignorance. De l’autre, il ne m’était guère non plus possible, si je prétendais posséder des informations que je n’avais pas, d’espérer conserver la confiance du Cardinal.
    — Il s’intéressait à divers problèmes d’alchimie, répondis-je. Peut-être pourriez-vous me préciser à quoi vous faites référence ?
    Mon stratagème s’avéra être un piètre succès. Le Cardinal se cala dans son fauteuil, me regarda droit dans les yeux et s’exclama :
    — Donc, il ne t’en a pas parlé. Pourtant tu travaillais en étroite collaboration avec lui, n’est-ce pas ?
    — J’étais… l’assistante de mon père, oui.
    Borgia me lança un tel regard que l’espace d’un instant je me demandai s’il en savait plus sur moi qu’il ne voulait bien le dire. Pour autant qu’il m’ait été donné de l’observer dans les dix années où j’avais vécu sous son toit, était-il possible que lui aussi ait observé la fille de l’empoisonneur, si irrésistiblement attirée par le métier de son père du fait de ses ténèbres intérieures ? Il me paraissait improbable d’être un objet d’intérêt pour lui, mais je pouvais me tromper.
    — N’a-t-il laissé aucune note ? demanda Borgia.
    Je déglutis difficilement (j’avais la gorge sèche), et plantai mes yeux dans les siens.
    — Il y a bien des carnets, mais les entrées s’arrêtent tout à coup il y a plusieurs mois. Et rien sur ses travaux plus récents.
    — Ne trouves-tu pas cela étrange ?
    Je répondis honnêtement, pour une fois.
    — Si, en effet. Mon père croyait fermement que l’observation et les expériences ne se suffisent jamais à elles-mêmes. Seul un bon compte rendu permet de comprendre les résultats obtenus et d’avancer.
    — Sage approche. Il faut donc en conclure qu’il a bien laissé des notes, mais pas avec toi.
    J’avais des doutes là-dessus. La nature même du travail de mon père (et le

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