Francesca la Trahison des Borgia
l’assaut contre la villa et soudain, la lumière se fit en moi : telles ces substances lorsqu’elles sont mises en présence des agents idoines, certaines pensées restées un peu floues jusqu’à présent se figèrent brusquement dans mon esprit.
— Je croyais être déjà impliquée, répliquai-je enfin. La question est de savoir à quel point.
En homme colérique qu’il était, Juan tonna :
— Qu’entend-elle par là ?
Je l’ignorai et m’adressai directement à Borgia.
— Depuis combien de temps êtes-vous informé de la présence de Morozzi à Rome ? L’étiez-vous déjà lorsqu’une certaine villa a été attaquée, récemment ?
Je jouais gros en le défiant ainsi, mais que ce soit l’heure indue, la présence de César à mes côtés ou bien ma nature contrariante, je n’étais tout simplement plus disposée à avancer comme une somnambule sur l’échiquier de Borgia. Il savait ce que Morozzi signifiait pour moi. Il savait. Le fait qu’il n’ait pas jugé bon de me prévenir immédiatement pour me laisser prendre les choses en main et faire le nécessaire était inexcusable. Pire, je n’y voyais qu’une seule raison possible : il avait gardé le silence pour mieux se servir de moi à ses propres fins.
Ce n’était pas dans les habitudes d’Il Papa de rendre compte de ses actes. Qu’il choisisse de le faire à ce moment-là fut pour moi le signe qu’il avait compris combien il m’avait blessée.
— En partant du principe que Morozzi te tient pour responsable de son échec cuisant l’an passé, j’ai pensé qu’il n’y avait pas de meilleur moyen pour le faire sortir de son trou que de t’utiliser comme appât. Je me suis donc servi de toi pour l’attirer à cette villa, dans l’espoir qu’il se fasse capturer ou tuer. Mais jamais, au grand jamais, je n’ai voulu qu’il t’arrive malheur. Pourquoi aurais-je souhaité pareille chose ? Tu sais aussi bien que moi qu’en ce moment, je ne suis pas vraiment en mesure de me passer de tes services.
Cela allait tellement de soi qu’il m’aurait été bien malaisé de le contester. J’avais quantité d’autres questions à lui poser – comment avait-il su que je serais à la villa, par quel biais avait-il fait prévenir Morozzi ? Mais j’estimais être allée aussi loin que la prudence me l’autorisait pour le moment.
— Tu ne me demandes pas ce qu’il en est s’agissant de la seconde agression dont tu as fait l’objet, constata-t-il.
Pour la simple et bonne raison que je n’en avais aucune intention. L’attaque contre Lux était pour le moins fâcheuse, mais au vu des circonstances (la présence des chiens qui nous avaient alertés, et du tunnel qui nous avait permis de fuir), il était raisonnable de penser que j’aurais réchappé à Morozzi.
Mais le guet-apens chez Portia était une tout autre affaire. Sans ce démon qui s’était éveillé en moi, cela aurait fort bien pu très mal se terminer pour moi. Si je croyais vraiment, ne serait-ce qu’un instant, que Borgia l’approuvait…
— C’est que je n’ai pas besoin de le faire, Votre Sainteté. L’assassin portait les couleurs du cardinal della Rovere.
— Et cela suffit à te convaincre de sa culpabilité ?
L’idée que je puisse être aussi naïve l’amusait, manifestement.
Juan inspira avec emphase et se tourna vers moi, le visage sombre.
— Es-tu en train de suggérer que mon père aurait… ?
— Par pitié ! l’interrompit César. Elle dit seulement qu’elle sait que papa n’a rien à se reprocher. Et della Rovere non plus. Le cardinal ne ferait jamais une chose aussi stupide. Pourrais-tu au moins faire l’effort d’écouter, ou mieux encore, t’abstenir de tout commentaire ?
Ce fut au tour de la main de Juan de s’agiter au-dessus de son épée, mais il fut coupé dans son élan par son père.
— Les choses vont bien mal, pour que les seules paroles de sagesse proférées dans cette pièce viennent d’une femme. César, explique-toi. Que fais-tu à Rome alors que je t’avais ordonné de surveiller Savone ?
C’était une nouvelle pour le moins intéressante car César était censé avoir été envoyé à Spoleto, dans l’une des propriétés pontificales, cela dans l’unique but de démontrer que même devenu pape, Borgia comptait poursuivre sa politique de discrétion vis-à-vis de ses enfants en refusant de faire preuve d’un népotisme éhonté à leur égard. N’ayant auparavant jamais
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