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Francesca la Trahison des Borgia

Francesca la Trahison des Borgia

Titel: Francesca la Trahison des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sara Poole
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l’attendrais ; de cela j’étais certaine, mais c’était à peu près tout.
    Il était tard, je me sentais fatiguée. La dispute, car c’en était devenue une à ce stade, ne montrait aucun signe d’abattement. César et Juan semblaient tous deux farouchement déterminés à obtenir la faveur de leur père, sans se soucier aucunement de l’autre. Quant à Borgia, je ne pus m’empêcher d’en arriver à la conclusion qu’il encourageait cette rivalité fraternelle, voire qu’elle lui plaisait.
    Cherchant quelque distraction de toute cette tension, je regardai autour de moi. Le bureau papal était surchargé de meubles ornés de dorures, de colonnes en marbre, de tableaux (tous biens temporels auxquels Sa Sainteté accordait sa préférence), au point qu’il aurait pu convenir au plus noble des rois ou des empereurs ; ce qui, à n’en pas douter, était exactement la façon dont Borgia se voyait.
    Sur l’un des murs recouverts de brocart, non loin des doubles portes sculptées par lesquelles nous étions entrés, se trouvait un spioncino, un tout petit trou par lequel on pouvait regarder discrètement à l’intérieur du bureau pour éviter de déranger son occupant à un moment inopportun. L’existence de ce spioncino n’était pas nécessairement connue de tous, mais n’était pas non plus un secret pour ceux d’entre nous qui servaient Sa Sainteté. De même, je savais où se trouvaient les deux portes dérobées que Vittoro avait mentionnées. Si Borgia ne s’en servait réellement pas, comment s’y prenait-il exactement pour tromper la vigilance de ses secrétaires ?
    Et surtout, pour quelle raison ?
    Prétextant d’être harassée, je laissai César en compagnie de son père et de son frère quelques instants après, et acceptai l’offre d’escorte pour rentrer chez moi. Malgré l’heure tardive, je caressai l’idée d’aller voir Rocco, mais l’épuisement me guettait. D’autre part, avant de pouvoir lui parler du danger potentiel que courait Nando, il me fallait un plan. Sans compter que jusqu’à présent tout au moins, Morozzi avait dirigé son attention uniquement sur moi ; je n’avais aucune raison de penser que cela change subitement.
    Une fois chez moi, je me déshabillai au plus vite et me glissai dans mon lit, aux côtés de Minerve. Le sommeil se déroba à moi, comme toujours. Je restai éveillée, à songer au prêtre fou, à tenter d’anticiper où il allait aller, ce qu’il allait faire. Par-dessus tout, j’étais déterminée à ce que cette fois-ci lorsque, inéluctablement, viendrait l’heure de l’affrontement, les gens que j’aimais soient en sécurité.
    À la longue, je m’endormis enfin. Et comme je le pressentais, le cauchemar vint me visiter.

11
    Je me trouve dans un tout petit espace, derrière un mur. Par un minuscule trou, je regarde à l’intérieur d’une pièce dans laquelle je sens des ombres bouger. Les ténèbres sont entrecoupées à intervalles réguliers d’éclairs de lumière ; d’où ils viennent, je ne sais. Il y a du sang partout, un véritable océan de sang dont le niveau monte dangereusement contre les murs et menace de m’emporter. Je tente de crier mais ma gorge est paralysée : aucun son ne sort de ma bouche. Mes mains poussent contre le mur pour le faire reculer, en vain. Je suis piégée là, seule, avec pour uniques compagnons tout ce sang et une sensation de pure terreur.
    Je me réveillai brusquement, en nage et le cœur battant. Mes poings serraient les draps comme si c’était une corde que l’on aurait jetée pour me sauver des eaux bouillonnantes de mon esprit. À force d’entraînement, je savais que la meilleure chose à faire était de me forcer à rester allongée et respirer calmement. Au bout d’un moment, je me sentis assez forte pour me lever et aller d’un pas chancelant jusqu’au garde-manger, où je me tins sans bouger, la tête au-dessus de l’évier en pierre, en attendant que passent les vagues de nausées provoquées par la peur.
    Lorsqu’elles aussi se furent estompées, je pris une aiguière et me versai de l’eau dans une coupe, que je bus tout en regardant par la fenêtre du salon. L’aube grise commençait tout juste à se lever sur la ville, révélant ses toits de tuiles rouges parsemés çà et là de cheminées en terre cuite. De son nid sous l’avant-toit, une alouette entama un chant hésitant.
    Il était hors de question que je me recouche. Heureusement pour moi, je

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