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Francesca la Trahison des Borgia

Francesca la Trahison des Borgia

Titel: Francesca la Trahison des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sara Poole
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parlait un Borgia furibond en arpentant son bureau, et en cherchant manifestement quelqu’un sur qui déverser sa rage. Il n’avait pas eu le temps d’ôter sa lourde tenue officielle à l’issue de son entrevue avec de Haro, leur conversation ayant été brusquement interrompue lorsque je lui avais fait remettre un message relatant le dernier drame en date. Si quelqu’un devait le lui apprendre, mieux valait que ce soit moi, m’étais-je dit. Sa grosse tête était cramoisie et luisante de sueur. Les secrétaires, qui ne pouvaient quitter les lieux sans sa permission mais étaient à juste titre terrifiés de se trouver dans les parages quand Sa Sainteté se mettait dans un tel état, se contentaient de rester dans un coin à trembler comme des feuilles.
    Pour ma part, j’avais manœuvré de façon à mettre son bureau entre nous. De ma position de repli, je m’exclamai :
    — Je vous en prie, faites donc, si cela peut vous soulager. Mais la seule chose dont ils sont coupables, c’est d’avoir enfanté une fille trop écervelée pour remarquer que mon sceau n’était pas apposé sur cette boîte-là. Si Donna Lydia avait eu le moindre soupçon quant à ces savons empoisonnés, elle n’en aurait jamais essayé un d’aussi bon cœur.
    — Qu’importe ! Mon Dieu mais tu ne te rends pas compte, ma fille unique, ma précieuse Lucrèce, elle aurait pu…
    Je résistai à l’envie de lui dire que c’était précisément parce que je m’étais rendu compte de ce qui allait arriver que le pire avait été évité, et tentai de le raisonner :
    — Donna Lydia souffre de graves brûlures aux deux mains. Si cela ne vous paraît pas suffisant comme punition, elle a également réussi à se toucher le visage dans la panique qui s’est ensuivie. Sauf erreur de ma part, son état va empirer durant plusieurs jours. Des cloques vont ensuite se former, avant de crever en laissant des lésions. Ces dernières continueront à être très douloureuses jusqu’à qu’une croûte se forme. Elles finiront par guérir, mais il est probable qu’elle gardera des cicatrices toute sa vie.
    Borgia arrêta son va-et-vient, retint son souffle et me fixa.
    — Elle ne va pas mourir ?
    Je secouai la tête.
    — Je suis d’avis que les savons ont été contaminés par une huile issue d’une plante. Il y en a plusieurs possibles, mais je pencherais pour du sumac vénéneux. J’ai déjà vu des gens développer les mêmes symptômes après en avoir touché. En l’occurrence, il semblerait que l’huile ait été concentrée, probablement par distillation, pour en aggraver l’effet – mais en aucun cas elle n’aurait été mortelle.
    — Si l’idée n’était pas de tuer Lucrèce, alors de quoi s’agit-il ? s’alarma Borgia.
    J’y avais déjà songé. Certes, il n’était pas impossible que Morozzi ait réussi à se procurer (ou pire encore, à créer) un poison de contact égalant le mien, mais en toute modestie cela me paraissait improbable. Malgré tout, si vraiment il avait accès aux appartements de Lucrèce, il aurait pu y introduire des denrées empoisonnées, dont les effets auraient été autrement plus dévastateurs. J’en frissonnais rien que d’y penser. J’aurais beau faire tous les efforts du monde, Borgia et sa famille ne seraient jamais totalement protégés tant que le prêtre fou était encore en vie.
    — Ce n’est pas elle qui l’intéresse, suggérai-je, mais vous. Réfléchissez, si Lucrèce mourait subitement, tout le monde songerait à un empoisonnement et en déduirait que l’un de vos ennemis est responsable. Peut-être même que l’on aurait de la compassion pour vous. En revanche, si un terrible fléau s’abattait soudain sur elle, et qu’on la voyait dans l’état où se trouve Donna Lydia maintenant, les gens ne seraient-ils pas plus enclins à voir cela comme le signe d’un châtiment de Dieu pour quelque grave transgression ? Pardonnez-moi, Votre Sainteté, mais l’on y verrait la preuve de vos péchés.
    Je n’avais pas besoin de les énumérer ; Borgia voyait parfaitement de quoi je voulais parler. Son visage s’assombrit encore, virant au violet. Je me demandais où je pourrais bien dénicher de la digitale pourprée, cette plante étant un bon remède en cas d’arrêt cardiaque – bien qu’il faille faire attention au dosage, car en trop grande quantité…
    Mais je digresse. À mon grand soulagement je le vis se reprendre, bien qu’avec difficulté

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