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Francesca la Trahison des Borgia

Francesca la Trahison des Borgia

Titel: Francesca la Trahison des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sara Poole
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visiblement. Lorsqu’il parla, son ton était presque calme :
    — Puisqu’il a réussi à faire cela, pourquoi ne s’est-il pas contenté de me tuer, tout simplement ?
    — Parce qu’au contraire de Lucrèce, vos domestiques ne sont pas des jouvencelles irréfléchies que l’on peut facilement duper.
    À lui de se rendre compte, ainsi que je l’avais moi-même fait avec du recul, combien cela avait été une grave erreur d’entourer sa fille de telles godiches.
    — Je veux les voir toutes parties dans l’heure, décréta-t-il. Elle n’aura plus d’autres domestiques que les miens, ainsi que toute personne considérée par Vittoro comme totalement fiable. Suis-je clair ?
    — Parfaitement, mais il reste que plus vite nous aurons retrouvé Morozzi, plus vite elle sera en sécurité.
    Retrouvé et expédié en enfer, comme il le méritait amplement.
    — Eh bien alors qu’attends-tu, bon sang ! Il est comme tout le monde, bien obligé de manger, de boire, de pisser, peut-être même de courir la gueuse, s’il en a les coglioni. Il se cache quelque part dans cette ville – dans ma ville – et j’exige qu’on le retrouve !
    Sa voix de stentor fit vibrer les vases qui ornaient son bureau. Les secrétaires étaient blancs comme des linges, et mes mains, que j’avais jointes devant moi sous les longues manches de ma robe du dessus, étaient glaciales malgré la chaleur de la journée. Cela ne m’empêchait pas de partager pleinement la frustration de Borgia : la partie de chasse n’avait que trop duré.
    Borgia continua à tempêter, mais je ne l’entendais plus. Jusque-là j’avais géré la situation posément, mais en prenant conscience du drame qui avait bien failli survenir, la peur et la colère menacèrent soudain de m’engloutir. Lucrèce défigurée, Borgia affaibli (peut-être fatalement) et moi-même couverte de honte, ma réputation ruinée tandis que l’assassin de mon père s’en sortirait indemne. Et, au-delà, la lumière de Lux éteinte, le monde plongé dans les ténèbres et tout espoir de voir la raison triompher anéanti.
    Une douleur me transperça les tempes. Je fermai les yeux tant tout fut soudain éblouissant, une explosion de lumière qui fit virer le monde au blanc. Une pulsation brûlante, pressante, me parcourut les veines. Derrière mes paupières je ne vis que les ténèbres, puis une vague rouge qui bouillonna devant moi et engloutit le bureau, le palais, la ville, la création tout entière. J’étais en train de me noyer dedans, je n’arrivais plus à respirer. Le mur et son minuscule trou réapparurent devant moi, et les éclairs de lumière me firent entrevoir un paysage de désolation absolue. Au loin, et pourtant si près que l’on aurait dit un murmure à mon oreille, j’entendis un enfant gémir.
    — Francesca.
    Un enfant qui était…
    — Francesca !
    La vague pourpre se retira. J’ouvris les yeux. Borgia était en train de m’observer. Ma poitrine était si serrée que j’étais incapable de répondre. J’étais adossée contre son bureau, ce qui constituait en soi une violation flagrante du protocole, sans compter tout ce que j’avais peut-être dit ou fait. Avais-je parlé ? La noirceur qui est en moi avait-elle agi en mon nom ? L’avait-il entendue hurler au plus profond de mon être ?
    — Est-ce que tu vas bien ? exigea de savoir Sa Sainteté.
    Je parvins à acquiescer d’un signe de tête, visiblement peu convaincant.
    — Dehors, cria-t-il en désignant d’un geste les secrétaires. Eux aussi étaient en train de me scruter, mais ils se hâtèrent d’obéir tant bien que mal, prenant à peine le temps de refermer derrière eux.
    — Assieds-toi, ordonna Borgia en me poussant dans le fauteuil le plus proche. Je n’offris aucune résistance tant j’étais dans un état de torpeur totale, incapable de bouger ou d’émettre un son. Lorsque je revins vraiment à moi, il était en train de me mettre une coupe de vin frais dans la main, en insistant pour que je boive.
    Je m’exécutai sans même prendre la peine de goûter. Mes mains tremblèrent quand je saisis la coupe, et je me dépêchai de finir le vin pour ne pas la faire tomber. Lentement, mon apathie se dissipa. Je sentis l’odeur qui émanait de Borgia – la sueur sous le brocard et le velours, le savon aux agrumes qu’il adorait, et quelque chose d’autre également, un étrange mélange de force pure et d’ambition, avec un soupçon de

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