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Frontenac_T1

Frontenac_T1

Titel: Frontenac_T1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Micheline Bail
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échoué, le roi avait décidé de l’annexer par la force. Une éventualité susceptible de régler les problèmes du Canada et que Frontenac et Callières caressaient de leurs vœux, à la condition toutefois qu’on leur apporte un secours tangible. Or, il n’en était rien! Le monarque ne prévoyait aucun nouveau soldat et les bâtiments qu’il leur cédait seraient de peu d’utilité. L’Embuscade n’était qu’une frégate légère d’à peine soixante canons, et Le Fourgon , une petite flûte tout juste bonne à transporter le matériel. Les mille cinq cents hommes de l’armée de terre devaient être recrutés en Canada même, alors que ses unités étaient en partie décimées par les escarmouches incessantes avec l’ennemi. Pour prendre la Nouvelle-York, Frontenac et Callières ne pourraient donc compter ni sur des troupes fraîches ni sur une flotte de bons navires de guerre, ce qui s’avérait essentiel pour transporter si loin de Montréal l’artillerie et les vivres. Dans pareil contexte, l’entreprise devenait téméraire, pour ne pas dire carrément impossible.
    Le souverain prodiguait pourtant une foule de conseils sur la façon de cerner et d’attaquer la Nouvelle-York, Albany * et Boston. Une fois ces villes conquises, il suggérait d’y laisser des garnisons, de désarmer les Anglais et les Hollandais * , d’évincer les suspects, d’emprisonner les officiers et les principaux notables, et de déporter vers les colonies sœurs les habitants refusant de prêter allégeance. Des considérations sur la façon de gérer une ville conquise qui n’étaient pas nouvelles pour un militaire de la trempe de Frontenac, qui avait assiégé Orbitello, Rosès et Candie, et avait servi pendant plus d’un demi-siècle sur les champs de bataille d’Europe.
    Mais le refus du roi de leur fournir une aide plus substantielle n’étonnait ni Callières ni Frontenac, et démontrait à quel point la cour de France était ignorante de la réalité de l’Amérique. Car comment pouvait-on croire possible d’assiéger et de conserver des places fortes comme la Nouvelle-York et Boston avec d’aussi maigres ressources?
    L’insistance de Frontenac à réclamer de nouvelles recrues pour intensifier la lutte contre l’Iroquois n’avait guère été mieux reçue. La veille au soir, Seignelay lui avait débité la sempiternelle rengaine : «Étant donné la conjoncture et la menace que les pays limitrophes font peser sur la France, vous comprendrez que le roi soit dans l’impossibilité de détourner vers le Canada la moindre fourniture navale ou militaire. Vous devrez faire avec les seules ressources dont ce pays dispose actuellement . »
    Ã‰trangement, les coffres s’avéraient vides et les unités de combat toujours décimées chaque fois qu’il était question d’aider la Nouvelle-France. Ah! Il était bien révolu le temps du régiment de Carignan-Salières, ce bataillon de mille cinq cents hommes armés de pied en cap envoyés vingt-cinq ans plus tôt pour défendre la colonie contre les incursions iroquoises. Et cette obstination du ministre à répéter que le Canada coûtait trop cher à la couronne...
    La vérité, croyait Louis, c’est que la Nouvelle-France était passée de mode. Il y avait beau temps que le sort de la colonie, ce surgeon gracile et toujours à la veille de périr, n’intéressait plus le roi. D’autant que le castor, principale richesse du Canada, entrait en si grande quantité depuis quelques années qu’il commençait à engorger les marchés européens.
    L’attention de Louis fut attirée un moment par l’immense tableau suspendu au mur, derrière la tête de Seignelay. Représentait-il la conquête navale de Messine ou celle d’Agosta? Il n’aurait su le dire, mais il s’agissait certainement d’une victoire en Méditerranée. Le halo lumineux entourant le vaisseau victorieux faisait au ministre une large auréole chaque fois que, relevant la tête, il s’adressait à ses interlocuteurs. On aurait dit la couronne d’un empereur romain ou l’auréole d’un saint.
    Seignelay fit

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