Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Frontenac_T1

Frontenac_T1

Titel: Frontenac_T1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Micheline Bail
Vom Netzwerk:
de geste qu’il connaissait de mémoire depuis l’enfance :
    â€” Je vais frapper, de Durendal, mon épée, de grands coups... sanglante en sera la lame jusqu’à l’or du pommeau... Pour leur malheur... les félons païens sont venus à ces ports... Je vous le jure... tous seront frappés de mille coups et sept cents... tous seront livrés à la mort.
    La Hontan, qui avait reconnu les paroles, les répéta à son tour avec un tel enthousiasme que tous les officiers prirent le branle dans un même élan et se joignirent à la ronde. Les sassakouez, ces cris et hurlements à la mode des sauvages, montèrent et s’entremêlèrent aux paroles épiques dans une fureur bachique. Même les Iroquois christianisés semblaient gagnés par l’euphorie. Les autres alliés, séduits par les manières peu protocolaires du vieux gouverneur, lui répondirent en intensifiant leurs acclamations et en entrant eux aussi dans le jeu : ils se levèrent en désordre et se mirent à danser, chanter et hurler, pendant que leurs musiciens commençaient à frapper frénétiquement leurs tambours, les chichicoués . Le tomahawk de Louis passa successivement aux mains des Iroquois catholiques, puis à celles des Outaouais, des Hurons, des Nipissingues, des Cris et des Poutéouatamis, pour finir par tomber dans celles des Montagnais. Le pacte était scellé et la chasse aux Iroquois ouverte à nouveau.
    * * *
    Le festin qui suivit ces exceptionnelles délibérations fut à l’avenant : tout y était démesuré. Trois bœufs entiers, quinze gros chiens, des dizaines de livres de pruneaux et de raisins secs y passèrent. Une large distribution de tabac accompagna ces mets. Des tréteaux avaient été montés en hâte derrière la maison de Callières, près des baraquements militaires. Égayés par la chaude réception, l’abondance d’aliments et l’atmosphère d’euphorie qui régnait, les Indiens se gavaient sans limite. Pour le vin, il coulait parcimonieusement, autant parce qu’on en manquait que parce que les invités en étaient peu friands : seule l’eau-de-vie avait leur faveur.
    En aparté, sous les grands chênes et face au fleuve, se dressait une autre table, habillée celle-là de nappes blanches et couverte de plats raffinés. Frontenac et Callières y prenaient place, entourés des principaux sachems , des officiers et de leur dame. La conversation était fort animée.
    â€” Nous avons besoin de beaucoup de fusils et de poudre pour tenir tête à l’ennemi. Les Iroquois sont armés jusqu’aux dents par les Anglais et les Hollandais, dont ils obtiennent les armes à bon prix. Ils ne manquent ni de forgerons ni d’armuriers pour les réparer quand elles brisent, contrairement à nous, protestait avec vigueur un chef outaouais.
    Louis semblait tout oreille, même si la chanson n’était pas nouvelle. Il aurait pu la réciter mot pour mot tant elle se répétait d’une année à l’autre.
    â€” Nos fusils sont en mauvais état, continuait l’homme, nous en manquons, comme nous manquons d’artisans pour les réparer. Et il faut voir, mon Père, comme on nous arrache le cœur. Tes commerçants nous saignent aux quatre veines. À Albany, les Anglais ne prennent que deux castors pour un fusil, alors que tes marchands en demandent cinq! Et pour la poudre, c’est pire encore : on exige ici quatre castors pour huit livres de poudre, alors que les Anglais n’en prennent que deux! Mon Père, mets un frein à la cupidité de tes hommes! Nous avons fait un long chemin pour venir jusqu’à toi, nous avons chassé tout l’hiver dans des conditions terribles pour ramener des peaux de grande valeur. Qu’on ne nous les échange pas pour quelques bagatelles. Nous sommes pauvres et nous manquons de tout. Sois généreux pour tes misérables enfants.
    Ce que ce grand chef exprimait traduisait l’état d’esprit des autres. Des récriminations qui revenaient inlassablement dans leur bouche. Pour des raisons liées à des coûts de production et de transport trop élevés, autant qu’à des politiques axées sur les seuls intérêts de la métropole, les fournitures françaises s’avéraient

Weitere Kostenlose Bücher