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Frontenac_T1

Frontenac_T1

Titel: Frontenac_T1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Micheline Bail
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les hommes eurent retraversé le Saint-Laurent, Louis s’empressa de répartir ses mousquetaires dans les paroisses avoisinantes afin de protéger les moissonneurs. Puis il donna congé aux alliés en leur distribuant à nouveau de nombreux présents. Ses paroles d’adieu, ses gages d’amitié et de fidélité ainsi que la gentillesse de ses manières firent que les Indiens repartirent contents de leur Père et de tous les Français.
    Ils avaient à peine quitté Lachine que les canons tonnaient à nouveau. À La Fourche, tout près de l’endroit où campaient la veille les troupes, s’élevait un long panache de fumée noire. Louis y dépêcha deux cents hommes commandés par le sieur de Valrennes. Mais la troupe de Schuyler avait eu le temps de disparaître après avoir massacré des habitants aux champs, égorgé le bétail et incendié les fermes. Tout flambait à la ronde. Vingt-deux hommes, deux femmes et trois enfants avaient été tués ou faits prisonniers. Plus loin, d’autres attaques-surprises avaient causé une trentaine de morts, dont celles de deux excellents officiers, le chevalier de la Motte et le sieur Murat. L’échec était patent et la gifle, retentissante.
    * * *
    Louis promenait une mine de déterré. Il était humilié. Comment avait-il pu être confiant au point de retirer le gros des troupes quand tout concluait à une attaque imminente? Il savait pourtant par expérience qu’une armée entière pouvait se dissimuler dans ces vastes forêts sans qu’on pût en déceler la moindre trace. Il perdait la face devant ses hommes, et surtout, devant la population, dont il trahissait la confiance. Tous ces morts qui auraient pu être évités... Le détachement du commandant Valrennes avait au moins réussi à prendre les troupes de Schuyler à revers et à leur infliger de lourdes pertes. Mais Louis s’en voulait de ne pas avoir été plus attentif. Il s’était isolé pour cacher sa honte et panser ses plaies tout en rabâchant des scènes d’échec durant des heures, l’estomac noué par les aigreurs.
    En déambulant dans les jardins de Callières, ce soir-là, il croisa Marie-Madeleine de Champigny qui prenait l’air, accompagnée de son mari et du gouverneur de Montréal. La triste figure qu’il affichait dut l’inquiéter, car elle abandonna aussitôt ses compagnons et prit d’autorité le bras de Frontenac pour l’entraîner dans le sens opposé.
    â€” Il me semble que vous êtes dur pour vous-même. N’oubliez pas que les habitants et les troupes de La Fourche sont allés moissonner sans prendre d’armes ni poster de sentinelles, comme vous le leur aviez expressément recommandé. Ils en portent aussi la responsabilité. Nous sommes engagés dans une guerre cruelle dont il est difficile de parer tous les coups. Vous avez fait ce qui était humainement possible pour protéger la population.
    â€” Que non, madame. J’ai bêtement retiré mes troupes au moment où le danger était extrême. Je me suis laissé prendre comme un novice. Je n’ai aucune excuse et j’aurais dû prévoir. La vérité, c’est que je ne suis plus l’homme de la situation. Je ferais mieux de passer la main.
    â€” Je n’en crois rien. Les gens ont toujours pleinement confiance en vous. Grâce à vos talents de diplomate, nos sauvages sont restés assez longtemps pour permettre aux fermiers de poursuivre leurs récoltes. Et vous avez admirablement récupéré nos alliés. La manœuvre a été si habile qu’ils sont repartis déterminés à se battre à mort désormais. La partie n’était pourtant pas gagnée.
    â€” La partie n’était pas gagnée par ma faute encore. En voulant à tout prix amener les Iroquois à la paix, j’ai négligé de rassurer mes alliés et les ai acculés à trahir. Ils sont plus clairvoyants que je ne le croyais et capables d’un revirement spectaculaire. Et... malheureusement... continua-t-il sur un ton de voix catastrophé, dans l’état où est présentement la colonie, madame... je crains bien qu’il ne faille un miracle pour faire la guerre aux Iroquois... et un autre plus grand encore pour faire la paix

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