Frontenac_T1
épidémie sâest déclarée dans les troupes dâAlbany. Les hommes ont commencé à mourir comme des moutons pourris, probablement de la dysenterie.
Louis posa un regard plus inquiet sur lâAnglais. Ãtait-il malade, lui aussi? Lâenvoyait-on au Canada pour contaminer la population?
Clermont sâempressa de le rassurer sur la bonne santé du prisonnier, avant de poursuivre :
â Au point de ralliement, les Iroquois se sont montrés déçus de voir les troupes anglaises si clairsemées et ont rebroussé chemin avec colère en voyant arriver des soldats, le visage rouge de pustules. Winthrop nâa pas pu les retenir. Il a tout de même continué à avancer, pour apprendre bientôt que le contingent envoyé à lâavant éprouvait une autre difficulté : lâécorce des ormes ne pelait plus à cette époque de lâannée et il devenait impossible de fabriquer des canots. La moitié de lâarmée se trouvait paralysée et ne pouvait plus avancer. Il a fini par faire demi-tour.
Louis ne put réprimer un sourire de soulagement et pensa à sa tentative avortée dâenvahir la Nouvelle-York. Ainsi, ses ennemis goûtaient à la même médecine et se voyaient contrariés à leur tour par une saison trop avancée.
â Pffft! Les Anglais des douze colonies sont de pitoyables combattants, incapables de sâorganiser efficacement. Ce ne sont que des amateurs dont nous aurons bientôt raison, marmonna-t-il, lâÅil pétillant de joie maligne.
Clermont enchaîna :
â Mais un détachement de lâarmée de Winthrop, commandé par Schuyler, le maire dâAlbany, continue tout de même sa progression vers le lac Champlain et le Richelieu, dans lâintention de nous attaquer. En avançant vers le sud, jâai aperçu des feux et entendu des coups de fusil. Puis jâai envoyé un éclaireur à Chambly pour donner lâalarme. Nul doute quâil sâagit de la patrouille de Schuyler!
â Schuyler... encore ce Schuyler de malheur!
Pourtant satisfait de la nouvelle et supputant un affrontement imminent, Louis sâempressa dâajouter :
â Ce que vous me rapportez correspond au récit que me faisait récemment La Plaque, un Indien envoyé dans ces parages. Nous avons guetté lâennemi annoncé pendant des jours, sur le pied de guerre, sans lui apercevoir le bout du nez. Il sâétait volatilisé. Mais cette fois, je crois bien que nous le tenons. Il ne pourra pas nous échapper indéfiniment. Nous irons débusquer ce Schuyler dans son terrier et on verra bien de quoi se nourrit cette marmotte, pardieu!
* * *
Louis fut forcé de donner lâordre de rebrousser chemin et de ramener les troupes à Montréal. Les trompettes sonnèrent pour battre le repli. Les tentes de fortune furent démontées en hâte et les canots remis à lâeau. Une armée de douze cents hommes avait campé en vain pendant trois jours de lâautre côté du Saint-Laurent, à La Prairie-de-la-Madeleine, sans rencontrer lâennemi. Pas de plume iroquoise ni de casaque anglaise. Câétait à se damner. Louis ne dérageait pas. Sâétait-on moqué de lui avec ces histoires à dormir debout? Dâautant que les alliés, qui avaient traversé le fleuve avec lui en trépignant de se mesurer aux Iroquois, étaient déçus et impatients. Leurs propres éclaireurs étaient revenus bredouilles et ils demandaient instamment leur congé, pressés de pouvoir enfin rentrer chez eux.
â Le diable emporte ce Schuyler de malheur! lâcha-t-il à Rigaud de Vaudreuil, commandant des troupes. Lâhomme aura pris peur devant nos forces conjuguées et aura décidé de rebrousser chemin.
â Mais ne serait-il pas à propos de laisser une partie importante de nos troupes sur place, monseigneur, au cas où lâennemi se pointerait enfin? lui rétorqua ce dernier, lâair inquiet.
â Ne laissez ici que quelques hommes. Il est inutile de craindre quelque autre injure. On nous a exagéré le danger. Mais rappelez aux gens de ne jamais sâéloigner des forts et de demeurer regroupés et armés jusquâaux dents. Accélérez le repli, nos Indiens ne tiennent plus en place et veulent lever le camp sur lâheure.
Une fois que
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