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Frontenac_T1

Frontenac_T1

Titel: Frontenac_T1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Micheline Bail
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il n’y a eu aucun sang répandu. Je me suis imaginé, encouragé en cela par toi, un sachem prétendument fort écouté des siens, qu’à mon retour, ta nation reconnaîtrait un Père qui venait à son secours et s’était allé reposer en son premier pays.
    Après un court silence, Louis poursuivit, emporté par sa véhémence :
    â€” Mes prédécesseurs ont adopté les Outaouais et leurs alliés, mais c’est moi-même qui vous ai nommés, vous autres Iroquois, «les enfants d’Onontio », unissant vos cabanes à la mienne. J’ai pleuré, de loin et impuissant, la désolation des Tsonontouans. Si vous avez été trahis pendant mon absence, vous ne l’avez jamais été en ma personne : ce sont les Anglais qui ont voulu séparer les enfants de leur Père et renverser la terre qui, depuis, a été ensanglantée de votre sang, de celui des Français et de vos autres frères.
    Louis proférait ces paroles sur le ton de l’indignation. La longue introduction ramenait des faits qu’Oureouaré connaissait par cœur et qu’il écouta sans broncher, apparemment impassible, tout en supputant pourtant le reproche.
    â€” J’aurais cru pouvoir au moins me flatter de ta reconnaissance pour les bienfaits dont je t’ai comblé, et j’étais en droit d’espérer que tu ouvres les yeux de tes compatriotes. Il faut que tu sois bien insensible à mes bontés pour avoir manqué à ce devoir, ou que ta nation fasse bien peu de cas de toi pour que tu aies échoué à la faire entrer dans des sentiments plus réfléchis et plus conformes à mes intérêts!
    Oureouaré fut abasourdi par l’injustice de la critique. Il accusa cependant le coup avec calme, même si son cœur était touché. Il n’avait jamais été dans sa nature de s’enflammer comme un brandon au moindre souffle de vent. Un chef devait contrôler son impétuosité et parler le langage de la raison, non celui de la colère. Aussi laissa-t-il écouler assez de temps pour se ressaisir et trouver les mots justes avant de répondre, d’une voix étale :
    â€” Mon Père, je suis mortifié par la dureté de tes paroles. Je les crois injustes et imméritées. Rappelle-toi bien qu’à ton retour de France, tu as trouvé les Cinq Nations engagées dans une alliance avec les Anglais qu’il n’était pas aisé de rompre et qui avait été envenimée par les Français Eux-mêmes. Il faudra du temps et des dispositions plus favorables pour relever l’arbre de paix. Je ne t’ai jamais promis que j’arriverais par ma seule influence à changer le cours des choses. Je sais que je n’ai aucun reproche à me faire. J’ai travaillé de toutes mes forces pour toi, ton peuple et le mien, et jamais je n’ai cru à la magie des sorciers. Les choses viendront quand elles seront mûres et pas avant. Le fait que j’aie refusé de retourner dans mon canton bien qu’on m’y ait attendu avec impatience est garant de ma fidélité. Et si, malgré cette marque de mon attachement aux Français et à ta personne, on me fait l’injustice de nourrir contre moi un pareil soupçon, je suis prêt à le dissiper. À défaut d’y parvenir, je préfère rentrer dans mon pays.
    Louis tressaillit. Ces paroles de bon sens et de dignité l’émurent et lui firent regretter d’être allé si loin. Les déboires des dernières semaines l’avaient rendu sombre et méfiant. Et le refus d’Oureouaré de lever la hache de guerre contre les siens, lors de la fameuse assemblée alliée, l’avait déçu. Mais fallait-il tant s’en étonner? C’était peut-être trop demander à un homme qui avait tant œuvré pour la paix.
    â€” J’ai laissé libre cours à ma colère, mon fils, mais mes paroles ont dépassé ma pensée. Je les retire. Efface-les à jamais de ta mémoire et oublie ta déception. Mon amitié t’est tout acquise et je connais maintenant assez le fond de ton cœur pour ne plus douter de ta fidélité. Quant à la paix avec les naturels de ce pays, sache qu’elle est mon vœu le plus cher et que jamais je n’y renoncerai, même s’il faut d’abord

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