Frontenac_T1
contre-amiral Gilbert et le commandant Dolberry.
â Dites à monsieur Barnes de mâamener le fuyard. Jâai à lâinterroger.
La requête de Phips fut exécutée aussitôt. On tira de cale un homme dans la jeune vingtaine qui sâavança en boitant. Il avait la mine hagarde et clignait des yeux.
â Approche, lui dit dâun ton rogue Walley, qui connaissait le français mais exécrait les traîtres.
Le transfuge, un Canadien des Trois-Rivières qui sâétait rendu lui-même à lâennemi en réclamant la protection du roi Guillaume, se confondait en sourires et en courbettes.
â Tu sais que tu risques la mort si tu mens? Nous avons dâautres prisonniers français qui peuvent infirmer tes dires. Un seul mensonge de ta part et je te fais pendre haut et court. Mâas-tu bien compris?
â Oh que oui, monseigneur, fit lâautre en se frottant nerveusement les mains sur les hanches. Plutôt me faire hacher menu que de mentir.
Les officiers scrutaient le Français dâun regard lourd de soupçons, craignant un piège de la part de Frontenac.
â De combien dâhommes dispose ton général?
â Au moment où jâai fui, il y a trois jours, il y avait deux cent cinquante à trois cents hommes dans la place. Mais je sais quâon attendait dâune heure à lâautre des renforts des Trois-Rivières et de Montréal, qui pourraient représenter mille à mille cinq cents hommes supplémentaires. Sans compter les Indiens, qui vont se rallier en grand nombre.
â Which Indians?
â Des Iroquois, des Algonquins et des Nipissingues de la région de Montréal. Des Hurons et des Abénaquis des missions autour de Québec. Des Montagnais aussi. Si vous aviez attaqué il y a trois jours, la ville se serait rendue sans combat. Mais chaque heure qui passe joue contre vous.
Les officiers émirent des doutes sur la véracité de ces allégations. Ils sâéchauffaient et prétendaient que le fuyard mentait pour les intimider. Phips abondait dans ce sens, tout en leur interdisant dâébruiter ces propos. Il fallait préserver à tout prix le moral des troupes.
Lâautre protestait de son honnêteté, la main sur le cÅur. Il se dit prêt à jurer sur la Bible. Une requête quâon repoussa, peut-être par crainte de souiller le livre saint au contact dâun hérétique doublé dâun traître. Walley était porté à accorder foi aux dires du transfuge. Les autres prisonniers français, les deux femmes et le sieur de Granville, avaient avancé des chiffres semblables. On parlait dâenviron mille à mille cinq cents soldats, peut-être davantage, ce qui changeait drôlement la donne.
â Quel est lâétat des défenses?
â Québec est une ville ouverte, monseigneur. Elle nâest protégée que par quatre ou cinq batteries, trois dans la haute-ville et deux dans la basse. Les retranchements sont limités et inefficaces, et certaines défenses peuvent sâenfoncer facilement. Je connais dâailleurs un endroit, à deux lieues dâici, où vos soldats pourront escalader facilement les hauteurs et entrer dans la ville par lâarrière. Je pourrais vous y conduire.
Phips ne voulut pas en entendre davantage et renvoya le prisonnier à fond de cale. Il pourrait toujours servir en temps propice. Les discussions continuèrent jusquâà ce quâon arrête une stratégie. Satisfait, lâamiral libéra ses officiers en leur recommandant de tenir les troupes en état dâalerte et prêtes à entrer en action dès que la marée serait favorable.
* * *
Le combat sâengagea vers les quatre heures de lâaprès-midi. Phips avait fait mettre ses gros vaisseaux en ordre de bataille à côté du sien : le Swan , portant pavillon bleu, était posté à sa gauche, le John and Thomas , en retrait, plus à droite, et lâ America Merchant , tout près du Cap-aux-Diamants. Le vaisseau amiral Six Friends se préparait à déclencher les hostilités. Les frégates et les brigantins de moindre tonnage sâétaient postées un peu en retrait, derrière les plus grosses embarcations, pendant que les petites gardaient le large.
De la redoute située sur les hauteurs du Cap-aux-Diamants, Frontenac
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