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Frontenac_T1

Frontenac_T1

Titel: Frontenac_T1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Micheline Bail
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grimace. Ce genre de fracture par balle s’envenimait et entraînait la mort une fois sur deux.
    â€” Nous ferons attribuer à Saint-Denis des lettres de noblesse, ajouta-t-il, l’air sombre.
    Il ne s’habituait pas à voir tomber des hommes dont il se sentait chaque jour plus proche. Le nombre réduit d’unités, la situation précaire de la colonie ainsi que son isolement étaient autant de facteurs qui favorisaient une plus grande intimité entre les gens. La hiérarchie militaire et les différences sociales, si rigides en France, trouvaient en Canada un terrain moins propice et avaient tendance à s’assouplir, à s’estomper, tout en se teintant d’un égalitarisme bienveillant. Surtout devant ce nouveau péril qui avait créé dans la population un tel appel de solidarité, un sentiment si aigu de dépendance mutuelle que les habitants étaient prêts à risquer leur vie sans hésiter pour sauver le pays. Les actes d’héroïsme fleurissaient sur un terreau particulièrement fertile.
    â€” Et du côté de l’ennemi?
    Vaudreuil rétorqua aussitôt, avec une espèce de fierté virile dans la voix :
    â€” Je dirais qu’en tout, en comptant les morts et les blessés, au moins quarante hommes ont été fauchés. Pour se venger de ces pertes, les Anglais ont saccagé et brûlé plusieurs maisons de la côte. Mais il semblerait que la maladie se soit mise parmi eux : les nôtres disent avoir vu plusieurs corps jetés par-dessus bord. S’ils n’entrent pas dans la ville au plus tôt, je ne donne pas cher de leur peau.
    â€” Je n’ai pas l’intention de leur laisser mettre le pied dans Québec, monsieur de Vaudreuil. Et n’allez pas croire que nos ennemis sont à ce point affaiblis. Ils ont d’autres unités qu’ils peuvent à tout instant jeter contre nous. Ne péchez pas par optimisme et demeurez aux aguets. Retournez à votre poste, merci!
    L’officier se leva, salua et se retira. L’évêque Saint-Vallier, qui attendait dans l’antichambre, faisait les cent pas. Son tour enfin venu, il entra d’un pas décidé dans la pièce où l’attendait Frontenac. Comme il était à Montréal quand la nouvelle du siège de Québec lui était parvenue, il avait interrompu sa visite pastorale et s’était aussitôt jeté dans la première embarcation disponible. Quatre jours plus tard, à la lueur des flambeaux, il avait fait son entrée dans Québec.
    â€” Comment se portent nos hospitalières? lui demanda Louis, qui savait que l’évêque se dévouait corps et âme pour stimuler ses propres « troupes ».
    â€” Fort bien, fort bien, monseigneur de Frontenac. Je les visite régulièrement et je puis vous assurer qu’elles mettent beaucoup de ferveur à se rendre utiles. Après quelques moments de panique où j’ai trouvé nos pauvres sœurs plus mortes que vives et pensant être tuées, elles se sont ressaisies et ont entrepris de ramasser les boulets tombés sur leur terrain pour que nos canonniers les renvoient aux Anglais. Le père Frémin, leur confesseur, a passé la première nuit à consumer les hosties consacrées pour éviter leur profanation au cas où les Anglais se rendraient maîtres de la place. Le saint homme leur a même donné la dernière absolution chaque fois que le péril augmentait.
    Ce genre de bondieuseries agaçait Louis qui répliqua, une pointe d’impatience dans la voix :
    â€” Pourquoi tant d’alarmes? Nous ne laisserons pas les puritains prendre cette ville. Mais qu’attendez-vous pour les rassurer, Votre Éminence?
    Saint-Vallier réagit en prenant un petit air pincé, comme si on l’avait pris en faute.
    â€” Mais cela est chose faite. Elles se montrent si courageuses que je me vois même obligé de leur recommander davantage de prudence. Elles sortent plusieurs fois le jour pour se joindre aux dévotions publiques qui ont d’ailleurs redoublé depuis le début du siège, comme vous avez pu le remarquer. La disposition de la ville fait que les chemins menant aux églises sont vus de la rade, ce qui doit fort étonner les Anglais. Des femmes et des hommes osant sortir et circuler dans les rues comme si de rien n’était, en

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