Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Frontenac_T1

Frontenac_T1

Titel: Frontenac_T1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Micheline Bail
Vom Netzwerk:
chapitrés sur l’importance de repousser l’invasion. Et surtout de protéger les Jésuites, dont on disait qu’ils étaient l’obsession des puritains. Sans parler de tous ces braves gens, serviteurs et métayers, garçons d’écurie et valets de chambre qui se sont joints à nos séminaristes. J’en ai compté une quarantaine formant une compagnie à eux seuls et qui se sont lancés dans la mêlée avec enthousiasme. Nos prêtres ne sont pas demeurés en reste... car plusieurs, à l’exemple du curé de Francheville, ont échangé la soutane contre le capot, la barrette contre le tapabord * et le bréviaire contre le fusil, afin d’escarmoucher l’Anglais sur les grèves de la Canardière!
    â€” Nos gens, tous nos gens, se battent avec frénésie. Je n’ai pas vu de tire-au-flanc et je suis particulièrement édifié par leur courage et leur cohésion, monseigneur de Saint-Vallier. Votre récente lettre pastorale a d’ailleurs contribué largement à assurer ce succès.
    Les petits yeux vifs de l’évêque pétillèrent d’enthousiasme. Il rétorqua cependant, d’une voix faussement humble :
    â€” Ce n’était qu’une courte missive propre à disposer les peuples de ce diocèse à faire face chrétiennement au double péril du siège et de l’hérésie.
    â€” Notez que ce discours en a exalté plus d’un. Vous n’y êtes pas allé avec le dos de la cuillère, Votre Éminence, mais je dois admettre que l’effet est réussi. Certains passages m’ont paru fort beaux. «Marchez donc, mes très chers enfants, comme il est convenable que marchent ceux que Dieu a tirés par sa puissance des ténèbres pour les faire passer dans le royaume de son fils; marchez en plein jour dans les moments d’affliction comme des hommes de lumière, marchez comme des enfants habités d’innocence. » De vous à moi, monseigneur, n’auriez-vous pas un peu emprunté à Bossuet, ou même à Bourdaloue, me semble-t-il?
    Saint-Vallier prit un air narquois.
    â€” Il faut bien prendre son inspiration quelque part, vous en conviendrez avec moi. Bossuet et Bourdaloue guident souvent ma parole, il est vrai. Mais peut-il y avoir meilleurs discours que ceux qui vont droit au cœur et font vibrer les cordes les plus sensibles?
    â€” Certes, et je ne vous blâme pas. De si belles paroles ne peuvent qu’édifier et porter nos gens au dépassement. J’en déduis donc que vous tenez vos « unités » aussi bien que moi les miennes, ce qui est fort bien.
    Ils se séparèrent en meilleurs termes que jamais. Persuadé que Frontenac commençait à être touché par la grâce, Saint-Vallier se promit de l’entreprendre sérieusement, une fois la tourmente passée. Qui sait, se dit-il, s’il n’allait trouver enfin son chemin de Damas?

17
Québec, automne 1690
    La lunette d’approche collée à l’œil, les lèvres serrées, le lieutenant général John Walley dénombrait en amont de la rivière Saint-Charles un bataillon qu’il évaluait sommairement à quelque mille hommes. Ils déambulaient en ordre de bataille, au son du fifre et des tambours. Le comte de Frontenac les commandait en personne, sanglé dans un uniforme chamarré d’or et bardé de décorations.
    Walley fit une moue anxieuse et se mit à souffler dans ses mains pour les réchauffer. Il eut beau remonter encore une fois son col de petite laine, il grelottait toujours. Son capot de soldat n’était pas adapté à ce froid de misère. La nuit précédente, la température était tombée si bas qu’une glace de deux pouces d’épaisseur, capable de porter un homme, s’était formée sur les battures. Ses soldats s’étaient couchés tête-bêche à même le sol gelé et avaient atrocement souffert.
    Il ne décolérait pas. Bien qu’il ne fût pas militaire de métier – non plus que ses soldats, qui étaient pour la plupart garçons de ferme, bouviers ou caboteurs –, il avait vite compris qu’il serait suicidaire de tenter de traverser la rivière sans aide et sous les batteries de la ville. Il savait que Frontenac l’attendait. Il avait longtemps

Weitere Kostenlose Bücher