Frontenac_T1
tête. Ce genre de plaie ne lui disait rien de bon. à Fort Nelson, à la baie dâHudson, il avait vu un solide gaillard décéder des suites dâune pareille blessure. Il préféra chasser ces images funestes et sâempressa dâaider les autres à préparer la litière de corde qui servirait à transporter le blessé.
* * *
â Ils tirent avec plus dâardeur quâhier, ma foi. Ces impies auraient-ils été ravitaillés?
Frontenac abaissa sa lunette dâapproche et se tourna vers Callières, lâair inquiet. Le gouverneur de Montréal se contenta de hausser les épaules. Nâayant pas plus dâinformation que son supérieur, il se voyait contraint de faire la même constatation.
â Possible que Phips leur ait fait porter des munitions la nuit dernière. Il a fait si sombre quâune chatte nây aurait pas trouvé ses petits.
â Quatre jours sans véritable affrontement. Ces Bostonnais sont tellement sur la défensive quâils nous condamnent au rôle de spectateurs. Et qui aurait dit que nos tirailleurs mèneraient à ce point le bal?
Callières eut un sourire mitigé. Il se réjouissait de constater le succès de ses unités de combat, mais sâétonnait de voir lâennemi se mettre si vite à la même école.
â Ils ne manquent pas de courage, dit-il, en parlant des Bostonnais, mais ce ne sont que des hommes ramassés au hasard et peu instruits du métier de la guerre. Ils combattent en étourdis, sans discipline, et nous offrent de belles occasions de les terrasser. Oh, attendez... Il se passe du nouveau, ce me semble. Un bataillon se met en marche ou je me trompe fort... Là , voyez, le contingent sur la gauche. Peut-être aurons-nous lâoccasion de leur donner une leçon à notre tour?
Callières, tenant sa jumelle dâune main, pointait lâindex vers le sud-ouest. Louis orienta la sienne dans la même direction.
â En effet, en effet, ils se mettent en marche... Mais ils devront dâabord affronter les unités que jâai dépêchées dès lâaube. Jâai ordonné au sieur de Villieu de conduire un détachement de soldats de lâautre côté de la rivière. Il ne devrait guère tarder à se manifester. Cabanac, Duclos, de Beaumanoir et La Hontan mènent également dâautres troupes à la rescousse, appuyées dâune bonne centaine de sauvages. Quant à nos bataillons de réguliers, nous ne les lancerons quâà la toute dernière minute. Qui sait si Phips ne débarquera pas mille autres hommes ailleurs, pour nous diviser?
â Ils nous canonnent depuis la terre, on dirait...
Callières fronça les sourcils. Ce nouvel élément corsait lâaction. Dâépaisses fumées venaient de sâélever le long de la rive, près du camp anglais. Quatre ou cinq canons paraissaient en activité.
â Ils ont bel et bien été ravitaillés de nuit. Cela ne fait plus de doute.
Louis se montra contrarié. Avec de pareilles pièces dâartillerie, il nâétait plus question dâaffronter lâennemi avec un gros contingent. Les pertes en hommes risquaient dâêtre trop importantes. Il aurait pu répliquer avec ses propres canons, mais Louis préférait jouer de prudence. Il décida donc de protéger ses flancs et dâattendre.
* * *
John Walley était épuisé. Il nâentendait plus que dâune oreille distraite le brouhaha produit par lâentrée des officiers dans la cabine de Phips. Les événements des dernières heures se bousculaient dans son esprit comme sâil y était encore...
La majorité de ses effectifs avait été récupérée et réintégrée dans les bateaux, malgré lâeau glaciale, la pluie violente qui sâétait changée en grésil et des vagues si agitées que plusieurs soldats avaient cru périr noyés. Mais il sâen était fallu de peu que tout vire en hécatombe... Une attaque-surprise de dizaines de tirailleurs français avait dâabord provoqué une commotion dans les rangs dâune relève trop peu expérimentée pour savoir comment réagir. Une commotion qui sâétait changée en débandade quand une poignée de sauvages étaient sortis des boisés en poussant leurs cris de
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