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Frontenac_T1

Frontenac_T1

Titel: Frontenac_T1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Micheline Bail
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l’échec de l’armée de Winthrop qui devait attaquer Montréal avec trois mille hommes, ce qui nous aurait permis de prendre Québec sans difficulté; l’émergence de la petite vérole et des fièvres parmi nos troupes; le retour du comte de Frontenac trois jours seulement avant notre arrivée! Trois jours, messieurs, vous rendez-vous compte? Et cette température précocement froide et maussade que l’on n’a pas vue dans ces parages depuis des années et qui complique toutes nos manœuvres, en plus de faire abominablement souffrir nos soldats. Tout, messieurs, tout concourt à nous faire comprendre que le Seigneur a voulu nous humilier profondément et nous punir pour nos péchés. La colère de Dieu est sur nous. Il nous faudra nous pencher sur les raisons de cette colère et réformer nos vies en conséquence.
    Ces paroles produisirent un effet-choc sur les officiers qui entouraient le général. Une telle convergence d’éléments négatifs était en effet troublante. Les hommes baissèrent la tête, ébranlés, et plusieurs se rangèrent à l’avis de Phips : quand la voie des armes a si pitoyablement échoué, ne faut-il pas que celle de la prière prenne enfin le relais?
    * * *
    Phips, posté à côté du capitaine Gregory Sugars, regardait se lever une aube glaciale et embrumée. Le froid était si mordant qu’ils avaient peine à articuler.
    â€” J’ai longtemps navigué, croyez-moi, mais jamais je n’ai vu pareille froidure. Et regardez le thermomètre, le mercure est rentré dans la boule! fit Sugars, l’air dégoûté, en indiquant de la main l’appareil fixé au gouvernail.
    La colonne de mercure s’était en effet tellement contractée sous l’effet du froid qu’elle avait disparu. Le phénomène, pour le moins étonnant, paraissait lourd de mauvais présages.
    Phips prit une mine d’enterrement. L’inquiétude le gagnait.
    La nuit précédente avait été abominable. Une terrible tempête de vents s’était levée et avait rompu quelques amarres en libérant si brusquement les bateaux que certains avaient failli s’écraser contre la pointe de Lévy. Car l’hiver avait brusquement surgi dans le détroit de Québec.
    Le capitaine Sugars reprit.
    â€” Ce n’est pas pour vous presser, mais il va falloir mettre les voiles avant qu’il ne soit trop tard. Ce Saint-Laurent n’est plus navigable. La variabilité des courants et des vents, les nombreux écueils et les tempêtes sont des obstacles qui présentent trop de risques de naufrage pour y rajouter les difficultés de l’hiver. Et nous n’avons aucun pilote canadien pour redescendre le fleuve. Si nous ne nous hâtons pas de déguerpir, nous serons bloqués par les glaces. Quant à l’état de nos bateaux, vous savez mieux que moi à quoi vous en tenir à ce sujet...
    Sugars avait terminé sa tirade par une moue révélatrice. L’homme parlait peu mais parlait juste. Phips lui en sut gré et prit la décision qui s’imposait.
    * * *
    â€” Monseigneur, les Anglais ont fui les rivages de la Canardière tellement vite qu’ils ont abandonné cinq canons, cent livres de poudre et une cinquantaine de boulets. Comme nous retirions leurs canons de l’eau, leurs chaloupes sont venues les quérir. Mais ils ont fait demi-tour dès qu’ils ont vu qu’on les attendait de pied ferme. Toute leur escadre est allée mouiller à deux lieues au-dessous de la ville.
    L’escarmoucheur René Hertel, un long gaillard maigrelet aux traits rougis par le froid, était fébrile. Il ne tenait pas en place. Il portait le capot de laine à capuchon, la tuque et les mitasses du militaire en campagne.
    Dans un élan de reconnaissance, Louis le prit par les épaules et le pressa contre sa poitrine. Le milicien se figea sur place, intimidé. Il entendit son général prononcer, d’une voix travaillée par l’émotion :
    â€” C’est grâce à vous, escarmoucheurs et tirailleurs, que nous sommes encore maîtres de ce pays. Vous avez fait tout ce qu’on pouvait attendre de braves soldats et repoussé l’Anglais partout où il est descendu. Le peuple vous en saura gré. Portez donc mes félicitations à vos

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