Frontenac_T1
Nouvelle-Angleterre, considéré comme un agent du roi défait, lâont fait jeter en prison, puis ont élu un nouveau gouverneur. Un changement qui sâest avéré désastreux. Le nouveau conseil sâest en effet empressé de retirer plusieurs garnisons, pendant que dâautres se mutinaient ou se débandaient en laissant les frontières sans défense.
â Oui, cela coïncide avec ce que me disait récemment un chef abénaquis. Une situation qui, sans que nous le sachions, nous a facilité les choses lors de nos petites incursions en Nouvelle-Angleterre.
â Saviez-vous également, monseigneur, enchaîna lâintarissable jésuite, que nos alliés abénaquis ont remporté une éclatante victoire à Dover, dans le Massachusetts? Les événements sây seraient cependant déroulés dâune façon singulière. Car figurez-vous que...
Trouvé parlait et parlait, et ses yeux mobiles roulaient sans cesse dans leur orbite. Louis nâécoutait plus et sa douleur aux tempes empirait. Il leva les mains par deux fois dans lâespoir de faire cesser cette logorrhée, mais en vain. Son interlocuteur continuait sur son erre dâaller.
â Mais taisez-vous, à la fin, vous mâaffolez! finit par lancer Frontenac, complètement excédé. Reprenons un peu notre souffle, si vous le permettez, monsieur Trouvé... Voici dâailleurs mon bon Duchouquet qui arrive avec quelques gâteries.
Trouvé resta coi de surprise. Le gouverneur nâavait pas lâair de plaisanter. Il en prit note et se tut.
Le serviteur déposa un plateau sur une table basse et se saisit de la cafetière fumante. Il remplit deux tasses de porcelaine dâun liquide foncé et parfumé, ajouta plusieurs cuillerées de sucre et recouvrit le tout dâun généreux trait de crème. Puis il les tendit au gouverneur et à son invité. Il leur offrit ensuite des beignets chauds, étalés avec soin sur un plat dâargent fin. Ronds et dodus, ils semblaient fort appétissants. Trouvé échappa un sourire crispé et sâenfonça plus confortablement dans son siège.
â Câest un café que nous importons des îles. Son arôme et son goût sont exquis.
Louis engloutit trois beignes et se mit à siroter longuement son breuvage. Son vis-à -vis mit un temps fou à y tremper les lèvres. Le café ne lui était pas familier et avait toujours été hors de portée de sa maigre bourse. Il dut reconnaître cependant que câétait délicieux. Il y prit si bien goût quâil vida rapidement sa tasse et en redemanda. Louis, gêné de voir son invité avaler dâun trait une boisson si prisée des connaisseurs, le servit à nouveau avec lenteur et solennité.
â Mais prenez soin de le boire à lentes gorgées pour bien tirer partie de sa riche fragrance. Appliquez-vous-y bien!
Le jésuite trouva amusant de se prêter à lâexercice, dâautant quâil découvrait que le beignet, trempé méticuleusement dans le café, sâavérait encore meilleur.
Louis observait son hôte tout en se demandant comment on avait pu lâaffubler dâun nom pareil. Trouvé, quelle drôle dâidée... à moins que ce ne soit un enfant de la charité, abandonné par sa mère et trouvé par des religieuses? Comme son mal de crâne commençait à sâatténuer et que le café lui faisait grand bien, Louis finit par avoir pitié de son interlocuteur. Il le remit en piste, dâune voix plus engageante :
â Vous disiez donc, monsieur Trouvé?
Le prêtre se redressa, posa rapidement sa tasse sur la desserte et laissa de côté la pâtisserie quâil venait à peine dâentamer.
â Oui, oui... à Dover, disais-je... les Abénaquis avaient une vengeance à assouvir, articula-t-il avec lenteur, de peur de se faire à nouveau rabrouer. Il y a quinze ans, un certain major Waldron les a trahis en faisant lâchement pendre huit sauvages et vendre en esclavage des dizaines dâentre eux. Pour se venger, les Indiens envoyèrent récemment quelques femmes chez le major, pour demander lâasile. Elles furent introduites dans la maison palissadée et, la nuit venue, ces dernières firent entrer leurs complices. Vous vous doutez bien que tout fut mis
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