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Frontenac_T1

Frontenac_T1

Titel: Frontenac_T1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Micheline Bail
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à feu et à sang. La famille et les domestiques de Waldron furent tués et le major torturé et cruellement exécuté. Je vous épargne les détails...
    â€” Vous faites bien, monsieur Trouvé. Ce genre de raffinements me bloque la digestion.
    Ce disant, Louis prit un quatrième beignet qu’il attaqua avec délectation. Décidément, pensa-t-il, sa cuisinière s’était encore surpassée. Lorsqu’il eut tout avalé, il s’empressa de commenter :
    â€” Notez que ce Waldron s’était attiré ses malheurs. Même si les méthodes sont critiquables, on ne peut que se réjouir que justice ait été faite.
    Trouvé opinait. Puis il s’agita sur son siège en secouant l’index vers le ciel.
    â€” Oh! il y a quelque chose que je tiens à vous montrer à tout prix, monseigneur, avant que je n’oublie. Permettez.
    Le jésuite plongea la main dans sa besace et en tira une affichette froissée, recouverte d’une écriture grossière à l’encre un peu délavée.
    â€” Tenez, monseigneur, lisez plutôt. C’est à peine croyable!
    Le prêtre tendit le papier à Louis qui y jeta un œil rapide, pour le lui remettre aussitôt.
    â€” Je n’entends pas l’anglais, cette langue de demi-civilisés. Faites-m’en la traduction, s’il vous plaît.
    â€” Il s’agit d’une résolution votée récemment par la cour générale du Massachusetts. C’est un prisonnier qui se l’est procurée, je ne sais trop comment, et qui m’a demandé de vous la remettre. En fait, cette résolution accorde douze louis pour chaque ennemi tué ou ramené vivant, entendons un Français et un sauvage allié, bien sûr, et huit louis pour chaque prisonnier anglais arraché de nos mains. Il est amusant de constater que l’Anglais vaut moins que le Français ou l’Indien, ne trouvez-vous pas?
    â€” Qu’est-ce que vous me racontez là! Ils ont osé voter un tel décret? Mais ce sont des barbares!
    Louis avait arraché le feuillet des mains de Trouvé pour le brandir devant lui, d’un air courroucé. Il fronçait les sourcils en tentant de déchiffrer le gribouillis de mots inintelligibles qui s’alignaient devant ses yeux, puis il laissa éclater son indignation. Elle claqua comme l’orage en plein cœur de juillet.
    â€” Ce sinistre écriteau a dû être placardé à la devanture de tous les étals de Boston, et on a dû le lire aux portes des abattoirs et des boucheries! Cette mise à prix de notre sang a dû tirer l’œil du client et élever les enchères. Manger du Français, quelle aubaine! Et le reste, que dit le dernier paragraphe de ce torchon?
    Connaissant de mémoire le contenu, Trouvé s’empressa de préciser.
    â€” Le reste est un privilège de haute morale, si je puis m’exprimer ainsi, monseigneur. Il assure à tout puritain de bonne volonté le droit d’user et d’abuser à bon plaisir des femmes, enfants et butin pris sur l’ennemi tué ou capturé : « ... they shall be allowed what benefit they can make of their women and children and plunder ». On ne peut être plus clair.
    â€” Comment donc! Mais qu’ils viennent donc ici, s’ils en ont le courage, ces Judas, ces sépulcres blanchis, étudier nos édits et ordonnances! Ils ne trouveront rien d’aussi infamant ni d’aussi déshonorant, eux qui ont l’audace de nous traiter de barbares! De pareils invitatoires au meurtre, de comparables appels à l’assassinat n’existent pas chez nous. Ah! il est beau, leur pieux Boston! Je mettrais ma main au feu que de pareilles injonctions ont été décrétées dans la virginale Nouvelle-York! L’occasion était trop belle!
    Louis faillit s’étouffer de colère. Le rouge lui montait aux joues et exaspérait le réseau de veinules éclatées qui y fleurissait. Il serrait les poings et tout son corps frémissait d’indignation. Il brandit le placard injurieux à bout de bras et vociféra :
    â€” Je l’enverrai au ministre et au roi ainsi qu’à nos ambassadeurs pour qu’ils le portent en Angleterre! Nos amis anglais, qui n’ont que les mots de « civilisation » et de « progrès » à la bouche,

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