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Frontenac_T1

Frontenac_T1

Titel: Frontenac_T1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Micheline Bail
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l’ânesse par des chiens. S’il était chaudement vêtu ce matin-là, c’était parce que les religieuses avaient conseillé à son domestique de ne lui présenter sa grosse capeline et son écharpe de laine que par grand froid. Autrement, il s’en serait départi, comme le reste de sa garde-robe, au profit de plus démunis que lui.
    L’évêque se rendait officier dans la chapelle attenante à l’hôpital érigé tout près de la basse-ville, sur les bords de la rivière Saint-Charles. Après la messe, une petite fête était prévue dans la sacristie avec les sœurs et quelques hauts dignitaires de la colonie.
    Tout juste de retour de France où il avait passé de longs mois à convaincre le gouvernement royal de céder à ses exigences, l’évêque triomphait enfin. Mais c’était une victoire gagnée de haute lutte, le roi ne se rendant à ses raisons qu’à la dernière minute. Au surplus, il avait exigé que l’hôpital général soit une maison de renfermement destinée à supprimer la mendicité et à donner du travail aux nécessiteux.
    Saint-Vallier n’avait pas répliqué, bien décidé à n’en faire qu’à sa tête une fois de retour au pays. Son nouvel établissement ne serait ni une prison ni un moyen de supprimer la mendicité, mais plutôt une maison d’accueil, une providence. Il aimait trop passionnément ses pauvres pour leur imposer d’aussi cruelles conditions. Mais pour loger ses vieillards, ses infirmes, ses enfants abandonnés et ses invalides, il avait fallu trouver un endroit propice, situé en campagne et non loin de la ville : le petit monastère récollet de Notre-Dame-des-Anges s’était avéré parfait pour ce genre de projet. Saint-Vallier l’avait acheté, autorisant en échange la communauté à transformer sa retraite de la haute-ville en couvent régulier.
    Il avait ensuite cherché des religieuses pour prendre soin de ses nécessiteux. Mais elles n’étaient pas nombreuses et montraient des signes de surmenage. D’où les interminables négociations qui s’étaient ensuivies. Il avait d’abord tenté de s’en remettre aux filles de Marguerite Bourgeoys, mais celles-ci n’avaient accepté que temporairement. L’enseignement et l’éducation avaient des exigences trop différentes de celles requises pour prendre soin des nécessiteux et des infirmes. Les Hospitalières de Saint-Joseph, vers qui l’évêque s’était tourné en second lieu, s’y étaient opposées avec la dernière énergie. Elles avaient argué qu’il n’était pas non plus dans leur mission de s’occuper des pauvres et des invalides, alors qu’elles étaient formées pour le soin des malades. Par souci de compromis, elles avaient tout de même proposé d’agrandir leurs locaux et de combiner les deux vocations. Une offre que Saint-Vallier avait refusée net. Puis il avait joué de toute son influence pour les forcer à céder. Ce qu’elles avaient fini par faire... En attendant qu’une élection vienne désigner les partantes et parce que les besoins pressaient, quelques filles de Marguerite Bourgeoys avaient pris temporairement le chemin de Notre-Dame-des-Anges avec leur petit baluchon. Elles assureraient l’intérim en attendant les Hospitalières.
    Saint-Vallier encouragea par des paroles douces sa pauvre monture qui renâclait d’épuisement. Après le dernier raidillon, tout en haut, surgissait d’un coup la masse sombre de l’église et du couvent, dont les contours tranchaient sur le camaïeu de bleu du Saint-Laurent.
    L’évêque craignait de n’être pas très aimé des prêtres du séminaire, ni des Jésuites, et encore moins des Sulpiciens. Et même s’il se souciait peu de plaire, il lui arrivait parfois de se sentir bien seul. Le fait était qu’il avait contrecarré tellement d’intérêts que sa popularité en avait pris un dur coup.
    La position de l’Église était d’ailleurs plus précaire dans cette colonie que dans n’importe quelle province de France, ce qui inquiétait Saint-Vallier. Le clergé était pauvre et trop peu nombreux pour répondre aux

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