Frontenac_T1
Câest nos sauvages, monseigneur. Ils ont décidé de laisser en vie ceux quâils nâont pas tués dans le feu du combat... ce qui fait quâon sâest retrouvés avec des centaines de prisonniers.
â Nous savons cela. Malgré les belles assurances quâils mâont données dâêtre impitoyables envers les Agniers, nos Iroquois nâen ont fait quâà leur tête, comme dâhabitude. Cette nation promet volontiers ce quâon lui demande et sâen réserve lâexécution selon son caprice ou son intérêt. Mais que sâest-il passé par la suite? Pourquoi avoir mis tout ce temps à vous replier?
Bizaillon fit mine de se lever afin dâêtre en meilleure posture pour répondre à son général, mais il chancela et retomba lourdement.
â Restez assis, mon ami. Vous êtes encore trop faible, lui ordonna Louis en le retenant par le bras.
Lâautre reprit la parole, dans un filet de voix.
â En plus des prisonniers... nos sauvages se sont tellement enivrés le deuxième jour quâils ont fait des massacres inouïs. Il a fallu réparer les dégâts avant de reprendre la route. Le malheur a voulu quâun Hollandais capturé dans un village agnier réussisse à sâenfuir et à aller tout raconter aux Anglais. à partir de ce moment-là , on était sur nos gardes... On savait que lâennemi allait nous prendre en chasse... Ce qui fait que messieurs de La Noue et de Manthet ont décidé de ne pas attaquer Albany et de rentrer au plus vite. Câest ce quâon a fait... mais...
â Mais quoi? Quâest-ce qui vous a ralentis?
Câest Callières qui venait de poser la question. Il sâétait approché de Bizaillon et le fixait avec insistance. Lâautre cherchait son souffle pour continuer.
â Câest que... des Iroquois sont apparus, le troisième jour... avec un message de première importance quâils disaient... pour nos Iroquois catholiques. Ils ont parlementé longtemps entre eux. Monsieur de Manthet a voulu savoir de quoi il retournait, mais il a dû attendre de longues heures avant dâêtre reçu.
â Abrégez, continua Louis, pressé de connaître le fond de lâhistoire. Que disait donc ce fameux message?
â Quâils avaient des propositions de conséquence à soumettre de la part des Anglais.
â Mais encore?
â Ils ont dit quâune paix venait dâêtre conclue en Europe entre la France et lâAngleterre. Et que des messagers anglais sâapprêtaient à nous rejoindre pour nous annoncer officiellement la nouvelle.
â Quoi? Ne me dites pas que nos officiers sont tombés dans un piège aussi grossier?
â Non, monseigneur, point du tout. Bien au contraire! Les sieurs de Manthet, de Courtemanche et de La Noue ont tenté chacun leur tour et par tous les moyens de faire comprendre à nos Indiens que cela nâétait quâune ruse des Anglais pour gagner du temps et réussir à nous rattraper. Mais ça a été peine perdue. Nos sauvages ont dit que si la paix était conclue, ils nâavaient pas de raison de continuer à se battre. Ils ont dit préférer attendre lâarrivée des délégués anglais avant de prendre une décision. Ils ont fait la sourde oreille à toutes nos supplications. Butés, ils se sont installés et ont commencé à construire des retranchements avec des arbres. Deux jours plus tard, ils étaient encore là , retardant la retraite et faisant tout pour nous entraver. Ils nâont pas voulu voir que les vivres sâépuisaient, que pendant ce temps lâennemi sâorganisait et que ses forces grossissaient, ni que chaque minute perdue jouait contre nous. Avec pour résultat quâaprès quatre jours, pas moins de quatre cents Iroquois et une poignée dâAnglais nous tombaient dessus à lâimproviste et défonçaient brutalement notre arrière-garde.
â Bougres dâabrutis! Mais câest de la trahison pure et simple! La perte de ces quatre précieuses journées a mis la vie de tout le monde en danger. Je vous assure que câest la dernière fois que je me fie à eux, fit Louis en se tournant vers Callières et Champigny pour les prendre à témoin. Jâaurais dû me méfier, aussi. Ils semblaient peu
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