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Frontenac_T1

Frontenac_T1

Titel: Frontenac_T1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Micheline Bail
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sont prompts à pactiser avec nos ennemis au moindre signe de faiblesse de notre part. Vous n’avez rien compris et rien vu venir, et je vous tiens personnellement responsable de la situation actuelle. Votre politique à courte vue a précipité les malheurs de la colonie!
    â€” Vous êtes injuste, monsieur, et votre parti pris vous aveugle, répondit aussitôt le marquis, d’une voix grave.
    Il se mit à marcher de long en large, les mains dans le dos et le torse droit, comme quelqu’un qui n’a rien à se reprocher.
    â€” Je n’ai obéi qu’à des impératifs militaires dans toute cette affaire, et vous savez aussi bien que moi que ces forts éloignés ne sont rien de mieux, en temps de guerre, que des prisons ou des tombeaux. Une centaine de soldats, dont quelques-uns de nos meilleurs éléments, sont morts de faim à Fort Cataracoui l’hiver dernier parce qu’un gros parti d’Iroquois les a assiégés pendant des mois. Nous n’avons pas pu les ravitailler à temps. Quelques semaines plus tard, Fort Niagara subissait le même sort tragique, mais cette fois, c’est cent quatre-vingts hommes qui y perdaient la vie! Et la garnison du commandant Valrennes a failli y passer aussi. Vous croyez peut-être que nous avons les moyens, décimés comme nous le sommes, de perdre une vie de plus pour conserver des structures inutiles et même nuisibles?
    Denonville scrutait Frontenac avec insistance de ses gros yeux myopes. Son interlocuteur demeurait de marbre, tout en soutenant fermement son regard. Le gouverneur sortant continua, sur un ton où pointait la colère.
    â€” Pour ce qui est du rôle prétendument stratégique joué par Fort Cataracoui, je n’y ai jamais cru. L’intendant Champigny non plus. L’existence de ce fort n’a empêché ni les marchands anglais ni les Iroquois de traiter directement avec les Outaouais. Il les gênait si peu qu’ils l’ont toujours contourné. Vous savez avec quel acharnement je me suis opposé récemment à votre projet d’expédier là-bas tant d’hommes et dans une saison si avancée, alors que nous en avons un si grand besoin pour protéger nos terres et nos habitants. Le sort de votre foutu fortin et les énormes profits que vous en avez toujours tirés semblent vous intéresser bien davantage que celui de vos subordonnés, à la fin!
    Louis frappa le sol de sa canne. Le coup l’atteignait en plein cœur et ramenait les accusations injustes qui avaient tant sali sa réputation. Certes, du temps où le fort Cataracoui était en activité, il avait pratiqué la traite des fourrures sur une vaste échelle et en avait tiré d’intéressants profits. Mais il ne voyait pas comment il aurait pu se maintenir ni soutenir la coûteuse diplomatie que les alliances indiennes le forçaient à mener avec les maigres deniers versés par le roi. Il entra dans une rage froide qu’il tenta de contrôler en atténuant l’éclat de sa voix.
    â€” Si vous n’aviez pas trahi si bassement les Iroquois en emprisonnant leurs chefs et en les envoyant aux galères, nous ne serions pas obligés aujourd’hui de faire face à un affrontement aussi majeur. Jamais ils ne se sont permis une telle escalade de violence sous mon administration, justement parce que j’ai toujours su les tenir en respect et bien négocier, une aptitude dont vous semblez parfaitement dépourvu. La cour l’a compris et vous a rappelé avant qu’il ne soit trop tard.
    Le marquis de Denonville baissa la tête. Il tira le bas de son pourpoint et s’approcha de la fenêtre, dont l’entablement lui arrivait à la poitrine. Il garda le silence un long moment, visiblement défait. Cette accusation ne l’étonnait pourtant pas de la part d’un intrigant qui médisait contre lui depuis son arrivée en Nouvelle-France, et sûrement depuis des mois, dans les coulisses de Versailles. Il était plutôt mal placé d’ailleurs, ce brigand de Frontenac, pour lui rebattre les oreilles de ses reproches. Qu’avait-il fait d’autre, pendant sa première administration, que de s’enrichir honteusement au détriment de l’intérêt de la colonie en s’accaparant la part du lion dans le commerce des fourrures, par une politique de

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