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Frontenac_T1

Frontenac_T1

Titel: Frontenac_T1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Micheline Bail
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pots-de-vin, de rançons et de protection? Les gens d’ici voyaient son retour d’un mauvais œil, à part les quelques marchands et officiers que Frontenac avait toujours favorisés et qui flairaient à nouveau la bonne affaire. Et d’ailleurs, lui, qu’avait-il à se reprocher? Il n’avait fait que son devoir de commandant, deux ans plus tôt, en faisant quelques prisonniers iroquois lors d’une campagne militaire punitive menée contre leurs villages. La majorité de ceux qui avaient été appréhendés n’étaient que des espions à la solde des Cinq Nations. Sa seule erreur avait peut-être été d’obéir trop aveuglément au roi et d’expédier certains de ces prisonniers aux galères de Marseille plutôt que de les garder ici.
    Mais que répondre devant pareille accusation? Valait-il seulement la peine de s’en justifier? Il savait bien que le roi n’avait pas condamné son administration et que son rappel n’avait rien à voir avec les récents événements du Canada. La terrible guerre qui s’annonçait en Europe avait incité le roi à le ramener à ses côtés. C’était une faveur accordée en considération de services rendus depuis plus de trente ans en qualité de colonel et de brigadier des armées du roi. Point à la ligne! Mais la cabale montée contre lui par certains marchands et militaires du clan Frontenac commençait à l’affecter sérieusement. Sa santé déjà chancelante s’en trouvait à nouveau menacée.
    Denonville se tourna tout de même vers son vieil interlocuteur et reprit, sans grande conviction toutefois, persuadé de prêcher dans le désert :
    â€” Si les Iroquois ont fondu sur Lachine, c’est qu’ils ont appris des Anglais, plusieurs mois avant nous, que l’Angleterre allait entrer en guerre avec la France. C’est pourquoi ils ont lâché toute leur puissance contre nous. Le gouverneur de la Nouvelle-York leur avait promis des vivres, des munitions et un asile pour les femmes et les enfants. Et ce n’est pas, ne vous en déplaise, grâce à votre prétendue habileté de négociateur qu’ils ne nous ont pas attaqués plus tôt, mais bien parce qu’ils avaient d’autres ennemis à soumettre. Une fois les Andastes * et les Mohicans assimilés ou anéantis, il ne leur restait plus qu’à se tourner contre nous. Ce qu’ils font depuis le 5 août dernier. Ils rêvent maintenant de nous bouter à la mer pour mieux nous remplacer comme seul intermédiaire entre les tribus à fourrures de l’Ouest et les Anglais. Ne commettez pas encore une fois l’erreur de les sous-estimer. Ce sont des ennemis intelligents, dangereux et absolument impitoyables.
    Louis étouffa un rire dédaigneux.
    Que croyait-il donc, ce négociateur de pacotille, ce stratège de salon, qu’il connaissait mieux que lui ces peuples indigènes? Et qu’il se serait niaisement laissé berner par de fausses promesses de paix tout au long de ces dix années de négociations avec les Cinq Nations, quand ses ennemis poursuivaient un plan précis en vue de rayer la Nouvelle-France de la carte?
    â€” Balivernes, que tout cela! rétorqua Louis en se cabrant avec indignation.
    On eût dit que son étroite silhouette vibrait au rythme de sa colère. Il enchaîna, en ponctuant son propos de vigoureux coups de canne.
    â€” C’est prêter bien peu d’intelligence stratégique aux Iroquois! Bouter les Français à la mer! Vous croyez vraiment qu’ils sont assez naïfs pour penser qu’une fois la Nouvelle-France démantelée, les Anglais vont les laisser occuper tout l’espace et contrôler le commerce avec le reste du continent? Les Iroquois ne sont pas dupes et s’ils le sont, je saurai, moi, leur faire comprendre qu’ils ont tout intérêt à nous ménager!
    Un coup de vent inopportun fit battre la fenêtre qui donnait sur le jardin. En tentant de la refermer, le marquis dut lutter avec les verrous rouillés et les pentures déformées par l’usure. En désespoir de cause, il glissa une chaise pour retenir le battant.
    â€” Vous me laissez une habitation en aussi piteux état que le pays, ironisa Louis.
    Son vis-à-vis lui jeta un regard agacé.
    â€”

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