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Frontenac_T1

Frontenac_T1

Titel: Frontenac_T1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Micheline Bail
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je les convainque de signer avec nous et nos alliés indiens une paix totale et durable. Qu’ont d’ailleurs donné de si profitable les belles campagnes de mes prédécesseurs? En envahissant massivement quelques territoires iroquois, La Barre et Denonville n’ont réussi qu’à brûler des villages et des récoltes, sans jamais capturer un seul Iroquois ni réussir à les faire plier. Vos incursions à la baie d’Hudson n’ont rien arrangé non plus d’une situation déjà tendue, monsieur d’Iberville, et ont sans doute contribué au déclenchement de l’actuelle guerre ouverte entre la France et l’Angleterre. Mais puisque nous en subissons les contrecoups, il me semble qu’il est dans notre intérêt de concentrer nos énergies à neutraliser plutôt l’Anglais, le péril fondamental, que l’Iroquois, qui ne constitue que le danger immédiat et apparent!
    Pierre d’Iberville tressaillit. Le reproche que lui adressait Frontenac était non seulement immérité mais profondément injuste.
    â€” Permettez-moi de m’inscrire en faux contre vos dernières paroles, monsieur le gouverneur!
    Les deux hommes se fusillèrent du regard.
    â€” Si nos victoires à la baie d’Hudson ont pu servir de détonateur, cette guerre était de toute façon inévitable. La lutte sans merci entre la France et l’Angleterre pour la suprématie en Europe, sur les mers et dans les colonies, a pesé infiniment plus lourd dans la balance.
    Frontenac affichait une moue dubitative tout en lissant sa moustache. Il n’en suivait pas moins les propos de Pierre d’Iberville avec beaucoup d’intérêt.
    â€” Et vous ne pouvez pas me reprocher d’avoir chassé les Anglais d’une position leur permettant de contrôler le commerce des plus belles fourrures du pays! Les liens qu’ils avaient déjà établis avec les Outaouais risquaient d’ailleurs de faire basculer ces derniers dans leur camp.
    Louis crut prudent de calmer le jeu par des paroles apaisantes.
    â€” Certes, certes, monsieur d’Iberville, et je ne vous reproche rien, bien au contraire. Je viens justement de rappeler les détails de vos exploits dans une lettre à Seignelay, en soulignant à quel point nous vous étions redevables. Je lui ai narré par le menu les prises considérables et fort extraordinaires que vous y avez faites, dans des conditions à peine imaginables. Non, croyez-moi, nous sommes fiers de vous et vous êtes, de l’avis de tous, l’un de nos meilleurs éléments.
    S’ensuivit un concert d’éloges et de félicitations. Certains officiers se levèrent pour entourer Pierre Le Moyne et lui faire l’accolade.
    Louis profita de l’intermède pour faire un signe de la main à Claude de Villeneuve, ingénieur du roi. L’homme déposa sur la table un document que le gouverneur l’aida à étaler sur toute sa longueur. Il s’agissait d’une carte dessinée à l’échelle et dressant le portrait détaillé de la région allant du sud de Montréal jusqu’à la baie de la Nouvelle-York. Villeneuve entreprit ensuite une étude serrée des différents parcours susceptibles de mener les patrouilles droit sur leur cible.
    Iberville avait l’intuition que sa trop bonne fortune commençait à irriter le gouverneur. N’avait-il pas l’appui du ministre Seignelay et ne jouissait-il pas des bonnes grâces du roi, qui l’avait reçu en audience privée et félicité publiquement, lui dont la famille de roturiers venait à peine d’être anoblie? Autant de raisons de susciter l’envie d’un homme en fin de parcours et probablement convaincu que la vie ne lui avait jamais pleinement rendu justice.
    Â«Le vieux bouc se fourvoie pourtant, n’en pensait pas moins le militaire, en serrant l’épée enfoncée dans son fourreau. Les Iroquois s’amusent à le rouler dans la farine avec de fausses négociations et ne feront qu’une bouchée de ses propositions de paix. »
    Champigny, de son côté, rongeait son frein. Il ne pouvait que constater avec aigreur l’ascendant que Frontenac exerçait sur les officiers. Hormis l’opposition vite bâillonnée de Le Moyne, tous semblaient prêts à endosser ses

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