Frontenac_T1
inutilement, nous sommes trop peu nombreux. Il nous faut des cibles faciles et peu risquées, comme des villes de frontières isolées et mal défendues. Mais pour ce faire, jâai besoin dâhommes déterminés et aguerris!
Frontenac promena un regard résolu sur les jeunes visages qui lâentouraient. Il avait la partie belle cependant, car tous ses officiers partageaient un même enthousiasme vengeur et trépignaient dâimpatience à lâidée de rendre enfin la monnaie de leur pièce à leurs entreprenants voisins du Sud.
â Il faut relever lâhonneur des troupes françaises, leur redonner confiance et leur insuffler de lâespoir. Et partant, rassurer nos alliés indiens dont lâallégeance est vacillante depuis le massacre de Lachine, martelait-il avec énergie.
On discuta longuement des villes à cibler, pour finir par sâentendre sur trois garnisons secondaires situées dans les Ãtats de la Nouvelle-York, du Massachusetts et du Maine. Tous se portèrent volontaires pour lever des hommes et constituer trois bataillons prêts à tout. Dès la mi-janvier, et à quelques semaines dâintervalle, ils partiraient de Québec, des Trois-Rivières et de Montréal, et ne sâarrêteraient quâavec la destruction totale de leurs cibles.
â Ces patrouilles de choc frapperont à la manière et selon les techniques de guerre élaborées par le sieur de Rouville, fit Louis en sâarrêtant avec un sourire appuyé devant cet officier. Légèreté et rapidité, attaque-surprise et repli, le tout dans lâordre et la plus stricte discipline. Nâest-ce pas, mon commandant? Câest désormais ainsi que nous combattrons et je vous jure que lâennemi mordra la poussière!
Rouville hocha la tête avec modestie. Iberville avait pourtant développé et mis à lâépreuve autant que de Rouville ces techniques de combat, surtout à la baie dâHudson, et il sâétonnait du fait que Frontenac nâen fît pas mention. Mais il ne tiqua point et se contenta de relancer le vieux gouverneur.
â Et les Iroquois, monseigneur, quâentrevoyez-vous à court terme pour les réduire?
Il brûlait aussi dâen découdre avec ses « frères » des Cinq Nations, quâil connaissait bien pour avoir longtemps vécu parmi eux en prisonnier, puis en fils adoptif.
Frontenac restait planté debout, à lâextrémité opposée de la table, le torse bombé et le poing gauche appuyé sur la hanche, comme pour bien marquer sa détermination.
â Je nâenvisage pas pour lâinstant de lancer nos forces contre eux. Nous demeurerons sur la défensive et nous les repousserons avec les équipes légères que le gouverneur de Montréal est en train dâorganiser. Mais jâai dâautres vues pour eux que...
â Nous ne serons jamais à lâabri de leurs insultes tant que nous ne mettrons pas toutes nos énergies à les détruire, le coupa Iberville. Ne faudrait-il pas lancer une partie importante de nos troupes contre eux, pour leur enfoncer leur arrogance dans la gorge et les mettre définitivement au pas?
Frontenac lui jeta un regard où brillait un mélange dâironie et dâexaspération.
â Jâai pour eux dâautres projets, monsieur dâIberville, vous dis-je. Et nos forces sont trop réduites pour nous permettre de lutter sur deux fronts.
Frontenac sâétait remis à marcher de long en large, la main gauche collée au dos et lâautre ballante, abandonnée au mouvement du corps. Les sourcils froncés et le teint empourpré, il poursuivait sa pensée en se tournant régulièrement vers Iberville, qui ne le lâchait plus des yeux.
â Jâai détaché à Onontagué une ambassade formée dâex-galériens iroquois ramenés de Marseille, continua-t-il, en réponse à son fougueux officier. Je veux inciter les Cinq Nations à venir signer la paix à Cataracoui, le printemps prochain. Les Iroquois et leurs territoires ont toujours appartenu au roi de France et je ferai tout pour les détacher des Anglais et les faire rentrer dans notre giron. Mais il faut revenir à ma politique dâalliances et les gagner avec les armes de la diplomatie et de lâamitié. Je nâaurai de cesse que
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