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Frontenac_T1

Frontenac_T1

Titel: Frontenac_T1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Micheline Bail
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politiques. L’intendant se dissociait pourtant des projets de Frontenac. Il croyait préférable de jeter plutôt le gros de leurs forces contre les Iroquois. Et en admettant qu’il soit plus stratégique d’attaquer les Anglais d’abord, il fallait viser droit au cœur et détruire la Nouvelle-York ou Albany, et non des garnisons sans importance.
    Il se prit à regretter l’absence du gouverneur de Montréal, qui aurait sûrement abondé dans son sens. Il se leva pour se dégourdir les jambes en se promettant de faire entreprendre la construction de dizaines de bateaux plats pour se rendre en pays iroquois, si les circonstances les forçaient à aller surprendre l’ennemi plus vite que prévu. Histoire de parer à toute éventualité...
    L’exposé de l’ingénieur du roi ayant pris fin, Louis fournit à ses hommes quelques informations logistiques, répondit à leurs questions et prit congé d’eux. Il était satisfait de la tournure des événements et persuadé que tout était sur la bonne voie. «Les Anglais n’ont qu’à bien se tenir », se promit-il, tout à fait revigoré.

5
Québec, hiver 1690
    Après un automne détestable, l’hiver s’était manifesté brusquement par d’abondantes chutes de neige ininterrompues tout le long des fêtes de Noël. Ce matin-là, un ciel dégagé éclairait un paysage glacé où régnait un froid sidéral.
    Enroulé dans une robe de castor le recouvrant jusqu’aux pieds, Louis était confortablement installé sur un siège couronné d’un large oreiller de fourrure. Il tambourinait du poing contre le rebord du traîneau tout en multipliant les injonctions à l’endroit de son cocher. Le froid était si coupant que ses moustaches, figées dans la glace, étaient raides comme des pinceaux.
    â€” Plus vite, plus vite, Bailly! Et fouette cocher! scandait-il de l’intérieur de sa carriole.
    Le vieil homme leva les yeux au ciel en signe d’impatience. Il avait les pommettes rougies, les cils et les poils du nez comiquement frangés de givre.
    Frontenac était dans une forme admirable. Ses rhumatismes l’avaient miraculeusement quitté, ce qui lui donnait l’impression d’avoir retrouvé la fougue de ses vingt ans. Charles de Monseignat, assis à ses côtés, la tête émergeant à peine d’un amas de fourrures, clignait des yeux. La réverbération du soleil sur la surface des cristaux produisait une lumière si intense qu’il avait peine à fixer l’horizon.
    La petite carriole du gouverneur s’était métamorphosée depuis sa restauration. C’était une espèce de carrosse bas coupé par le milieu et posé sur deux patins ferrés, auquel était ajouté un devant plus relevé servant à protéger ses occupants des éclaboussures. Louis l’avait fait repeindre dans des couleurs flamboyantes et barder de ses armoiries. Aussi n’avait-il pas laissé passer un seul jour depuis les dernières bordées sans lancer son équipage à fine épouvante sur des routes étroites et sinueuses pour la seule griserie de filer toujours plus vite. C’était au point où les gens se ruaient dans les bancs de neige dès que se pointait à l’horizon l’équipage échevelé du gouverneur. Car rien n’annonçait le galop silencieux des chevaux sur la neige, hormis cet espèce d’appel de voix continuel et monotone lancé par le cocher et emporté par le vent.
    Le vieux Bailly poussa un grognement de désapprobation. Au contact de l’air glacial, son expiration prenait la forme d’une longue buée blanche.
    Â«Mais pourquoi, bondiou de bondiou, monseigneur s’entête-t-il à nous échauffer ainsi? » se disait le cocher, impatienté.
    Les deux bêtes, attelées l’une devant l’autre, galopaient allègrement, la queue coupée. C’était la seule façon qu’on avait trouvée dans ce pays d’empêcher le cheval de devant d’éborgner de sa queue celui de derrière. La monture de tête avançait au gré de ses humeurs, sortant de l’ornière et y revenant lorsqu’elle était tirée un peu fort par celle de derrière.
    â€” Mais je ne peux pas, monseigneur,

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