Frontenac_T1
les travaux que vous avez si bien amorcés. Je me fie entièrement à votre compétence. Le major se retira aussi discrètement que lorsquâil était arrivé, trop heureux de sâen tirer à si bon compte.
* * *
Vous devrez profiter des dispositions des intéressés en la Compagnie du Nord pour le dessein quâils ont formé de faire attaquer le fort Nelson par le sieur dâIberville, et les aider de votre autorité dans les choses où ils en auront besoin, pour les mettre en état de chasser les Anglais de ce poste, qui est le seul qui leur reste dans la baie dâHudson. Pour ce faire, Nous nommons ledit sieur dâIberville commandant en titre de tous les postes de la mer du Nord et de tous les vaisseaux qui navigueront dans les eaux de la baie dâHudson, lui donnons également concession dâun fief à la baie des Chaleurs, de douze lieues de front sur dix de profondeur, avec tous droits afférents de haute, moyenne et basse justice.
Fait à Versailles ce vingt-six de mai de lâan seize cent quatre-vingt-dix.
Louis le quatorzième, Roi de France .
Frontenac déposa le mémoire sur son bureau et releva sur son visiteur un regard froid.
â Voici lâessentiel de ce qui concerne votre affaire. Je pense que vous attendiez cette nomination avec impatience, monsieur dâIberville?
Il avait posé la question en se fendant dâun sourire de circonstance.
â En effet, monsieur le gouverneur général. Mes navires sont même déjà en rade et prêts à être chargés.
Pierre dâIberville affichait un air satisfait. Il sâattendait bien, en effet, à voir renouveler la commission accordée par le roi lâannée précédente, sous Denonville, mais il nâavait jamais cru quâon lui accorderait des pouvoirs aussi étendus. Il jubilait intérieurement et voyait déjà se réaliser son rêve dâarracher définitivement Fort Bourbon aux Anglais.
Louis fouilla dans ses papiers et finit par en extraire un autre document officiel, estampillé du sceau du roi. Après en avoir rapidement vérifié le contenu, il le tendit à son vis-à -vis.
â Et voici lâacte de concession qui vous fait seigneur de cet immense fief dâAcadie. Heureux homme, qui aurez le loisir de faire de ces terres un établissement modèle!
Iberville remercia Frontenac avec chaleur. Il se souciait cependant de cette donation comme dâune guigne et nourrissait dâautres ambitions que de devenir propriétaire terrien. Il pensait déjà à octroyer ces terres à lâun de ses frères. La nomination de commandant en titre de tous les postes de la mer du Nord ainsi que de tous les vaisseaux y naviguant avait autrement plus dâintérêt à ses yeux.
â Je verrai à ce que les formalités de sortie des bateaux que la Compagnie du Nord vous a alloués soient écourtées au maximum, précisa Louis, et jâaplanirai toute autre difficulté administrative afin que vous puissiez partir pour la baie dâHudson dans le plus bref délai. Dans cette sorte dâentreprise, le temps est précieux et le moindre retard peut être fatal.
â Veuillez croire, monsieur le gouverneur général, que je vous en suis reconnaissant et que nous ferons lâimpossible, mes hommes et moi, pour enlever définitivement Fort Bourbon aux Anglais et le remettre à la France. Jâen fais le serment solennel devant vous, aujourdâhui. Je nâaurai de cesse que je nây parvienne, cette fois-ci ou la prochaine. Nous viendrons à bout de notre dessein ou en périrons!
Le regard déterminé de lâhomme, qui nâavait pas la réputation de parler vainement, impressionna fortement Louis.
Fort Bourbon avait été arraché aux Français et rebaptisé Fort Nelson par Pierre Esprit Radisson, un traître honni et méprisé en Nouvelle-France. Le renégat vivait maintenant en Angleterre où il avait acquis la qualité de sujet britannique et épousé la fille du propriétaire de la Hudson Bay Company . Bon an mal an depuis lors, Radisson encaissait tranquillement ses dividendes dâactionnaire. Pendant quâil engrangeait ses trente deniers, les Anglais exploitaient à fond le fort Nelson et réalisaient dâénormes profits sur le dos de la Compagnie du Nord qui, en
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