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Frontenac_T1

Frontenac_T1

Titel: Frontenac_T1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Micheline Bail
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échapper à toute oreille indiscrète. Le ministre lui interdisait désormais de s’engager de lui-même ou par l’intermédiaire d’un tiers dans le commerce des fourrures. Il était également tenu de faire contresigner tout permis de traite par l’intendant. Quand on lui avait fait part de ces exigences avant son départ de Versailles, il s’était contenté d’opiner, tout en se promettant de n’en faire qu’à sa tête. Il se savait trop grand seigneur pour devoir se plier à de telles interdictions. Comment, d’ailleurs, aurait-il pu subsister sans ce commerce?
    â€” De fait, mon cher, fit Louis à l’intention de son compagnon, vous savez peut-être que j’ai fait remplacer La Durantaye par Louvigny à Michillimakinac? C’est un ex-capitaine de ma garde à qui j’ai récemment offert un poste dans les Troupes de la Marine. Ce Louvigny est un homme sûr. Comme il me doit beaucoup, il veillera à me bien servir. J’ai d’ailleurs fait transporter sur ses canots pas moins de quatre mille livres de marchandises de contrebande, ainsi que quelques tonneaux de rhum.
    Tonty ébaucha un sourire. Il savait que le retour de Frontenac sonnait le rappel de La Durantaye. Quelques années auparavant, ce dernier avait commis l’erreur d’entrer dans les plans du gouverneur de l’époque visant à ruiner l’entreprise de Tonty au Mississippi. Louis, alors en pénitence en France, s’était juré de le lui faire payer.
    L’Italien frisa d’une main preste ses moustaches cirées, relevées en pointe. «Le vieux renard sait placer ses hommes et veille de près à ses intérêts », songea-t-il, impressionné, comme chaque fois, par la façon dont Frontenac assurait ses arrières.
    â€” Oui. Louvigny fera un bon commandant de poste, répliqua Tonty. L’homme est fiable et à son affaire, mais il lui faudra une poigne de fer pour contenir les sauvages et les garder dans notre giron. Ils ont donné pas mal de fil à retordre à La Durantaye, ces derniers temps. Nicolas Perrot tombera fort à propos.
    Le commandant du fort Saint-Louis-des-Illinois n’ignorait rien du sérieux de la situation dans l’Ouest. Il savait que la moindre défaillance des Indiens alliés pouvait jeter à bas l’édifice construit à force de diplomatie et menacer la survie de la colonie. Il comptait sur Nicolas Perrot pour ramener les Hurons et les Outaouais à de meilleurs sentiments. Mais il connaissait trop bien la fragilité des alliances avec les sauvages, de même que leur duplicité, pour se bercer d’illusions. Nul doute qu’un réalignement majeur des alliés des Grands Lacs en faveur des Iroquois risquait en outre de faire basculer toutes les tribus de l’Illinois et du Mississippi * dans le camp ennemi. Auquel cas le Canada risquait de se retrouver isolé et perdu.
    â€” Perrot rétablira la situation, il le faudra bien, continua Louis en pressant le pas.
    Il avait changé d’air et paraissait inquiet.
    â€” Pour ce qui est de Fort Cataracoui, j’ai envoyé les sieurs de Manthet, de Sérigny, et Saint-Pierre de Repentigny pour voir dans quel état se trouvent les murs et ramener éventuellement quelques prisonniers. Ils pourront ainsi m’informer des résultats de mon ambassade de paix auprès des Iroquois.
    Tonty grimaça. Il était plutôt sceptique quant aux chances de succès d’une telle démarche, car il avait entendu parler de la grande colère des Iroquois depuis Schenectady. Il savait, par quelques-uns de ses hommes, que les Anglais avaient convoqué d’urgence des délégués iroquois, après le saccage de la ville, et que ces derniers avaient renouvelé leur alliance et juré de le faire payer cher aux Français. S’il avait été dans les parages quand Frontenac avait pris cette décision, il lui aurait déconseillé l’entreprise.
    Mais il ne trouva pas bon de l’alerter inutilement; il était d’ailleurs bien tard pour y changer quoi que ce soit.
    Louis garda longtemps le silence, puis reprit le cours de sa pensée.
    â€” Manthet m’a déjà fait porter comme message qu’il n’y avait que quelques brèches aux murailles, ce qui serait facile à réparer, mais que tous les

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