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Funestes présages

Funestes présages

Titel: Funestes présages Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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humides.
    — M’avez-vous entendu, Madame ?
    — J’ai ouï ce que vous avez dit, Messire le clerc. Mais narrez-moi donc votre histoire.
    — Vous aimiez Sir Stephen Daubigny, n’est-ce pas ?
    Elle tressaillit et des gouttes de sueur perlèrent à son front sous sa guimpe.
    — Aimiez ! murmura-t-elle d’une voix dure.
    — Vous le savez bien, continua Corbett d’un ton uni. Vous étiez fiancée à Sir Reginald mais votre coeur appartenait à Daubigny, comme le sien vous appartenait.
    — Il avait une amante, Héloïse Argenteuil.
    — Non, Madame, c’était une comédie, ou plutôt un conte, pour dissimuler vos agissements. Des décennies auparavant, à Paris, le célèbre théologien Abélard s’était épris de la jeune Héloïse, son élève. Abélard était un brillant érudit, un subtil théologien, un maître de la faculté. Les parents d’Héloïse, néanmoins, furent fort courroucés. Ils se saisirent d’Abélard et le castrèrent. Ce dernier, plus tard, se retira du monde, mais, malgré toutes les oppositions et les violences, Abélard et Héloïse continuèrent à s’aimer. Elle entra dans un couvent d’Argenteuil. Vous avez pris son nom pour inventer cette femme supposée adorée et perdue par Stephen Daubigny. En fait, cela ne servait qu’à écarter les soupçons.
    Lady Margaret ne contredit pas le clerc. Ses lèvres exsangues esquissèrent un sourire comme si elle goûtait une histoire dont elle s’était déjà délectée.
    — Reginald Harcourt était votre époux, reprit Corbett, mais c’était Stephen Daubigny qui régnait sur votre coeur. Vous le cachiez bien sous ce qu’on prenait pour une antipathie mutuelle, voire même du mépris. En réalité, vous étiez amants. Sir Reginald était peut-être un homme de belle prestance, mais qu’en était-il de sa virilité ?
    Le magistrat lut la surprise sur les traits de son interlocutrice.
    — Le vieil infirmier de St Martin se souvient fort bien de lui. Stephen Daubigny venait sans cesse à Harcourt Manor et tout le monde croyait que c’était par amitié pour Sir Reginald, alors qu’en fait c’était par amour pour sa femme. Daubigny se livrait à un petit manège.
    Corbett tourna la tête vers le Gardien.
    — Chaque fois qu’il approchait de la demeure, il sonnait trois longs coups de sa corne de chasse. Sir Reginald estimait que c’était un jeu, et, à l’instar des chevaliers de Charlemagne à Roncevaux, il répondait. S’il était absent, le manque de réponse suffisait à Daubigny pour comprendre que la voie était libre. Quand lui et vous étiez enfermés seuls ensemble, vous pouviez vous abandonner à votre passion.
    Lady Margaret se tenait toute droite, étreignant la table. Ce n’était pas le feu qu’elle fixait, mais l’ermite. Corbett suivit son regard.
    — Non, non, Lady Margaret. Il ne vous a point trahie. Ce que je vous narre n’est que pure hypothèse, mais fondée sur la logique.
    — Alors allez au bout de votre logique, Messire le clerc !
    — Je pense que Sir Reginald ignora tout de votre aventure jusqu’à ce qu’il soit trop tard. Il s’est passé quelque chose pendant le grand tournoi qui s’est déroulé ici l’été où il a disparu. Pour être bref, lui et Daubigny se sont rencontrés tard un soir à Bloody Meadow. À ce moment, Sir Reginald en était venu à entretenir de forts soupçons et il a proféré des accusations. Que Dieu leur pardonne, mais peut-être ces anciens amis étaient-ils pris de boisson ? Les épées furent dégainées et Daubigny, dont les prouesses étaient notoires, a occis Harcourt sur-le-champ. Son cadavre a été dépouillé autant que faire se pouvait pour que, si on venait à le découvrir, il reste peu d’indices prouvant sa véritable identité. Daubigny a enlevé la terre à la surface du tumulus et a creusé une tombe improvisée. Il a enveloppé Sir Reginald dans sa chape, l’a déposé et recouvert. Avant que la prairie ne devienne un sujet de discorde entre l’abbé et ses moines, c’était un endroit désert et peu fréquenté. Les traces de la fosse creusée à la hâte s’estompèrent rapidement. Daubigny avait bien choisi : la tradition locale voyait dans la tombe un lieu sacré, protégé par sa propre sainteté autant que par la ferveur religieuse ou la superstition d’autrui. Mais Sir Stephen devint la proie de sa culpabilité. La mort de Sir Reginald n’avait été ni préméditée ni souhaitée ; c’était plus le

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