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Funestes présages

Funestes présages

Titel: Funestes présages Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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après tout, ces faits étaient de notoriété publique pour l’essentiel.
    — Si vous êtes un démon, dit Corbett en souriant, vous devriez en savoir plus. Avez-vous rencontré l’abbé Stephen ? Son âme a quitté son corps.
    Taverner ne cilla ni ne changea d’expression.
    — Il est allé devant son juge, déclara-t-il. Son passage n’a jamais été disputé. Il a commencé son voyage.
    — Mais pourquoi l’a-t-on occis ? Comment ?
    — Je ne suis point céans pour vous aider, Corbett !
    — Allons, allons, railla le magistrat, vous prétendez être le célèbre Geoffrey Mandeville qui sillonne les fens, et vous en sauriez moins qu’un torche-pot des cuisines de l’abbaye ?
    — Il est mort d’un poignard planté dans la poitrine, répondit Taverner d’un ton sec. Un Romain, s’il en est, l’abbé Stephen. Il devra payer pour avoir péché contre le Saint-Esprit.
    — Que voulez-vous dire par avoir péché contre le Saint-Esprit ? s’étonna Corbett.
    Son interlocuteur semblait en savoir un peu plus qu’il n’aurait dû sur la mort de l’abbé.
    — Oh, il a bel et bien été assassiné, comme Abel occis par Caïn, par son frère...
    — Par les moines de St Martin ? insista Corbett.
    — Tu dixisti clerice, répondit Taverner en latin. Tu l’as dit, clerc.
    — De quel moine s’agit-il ? interrogea le magistrat avec impatience.
    — Ils sont tous coupables, d’une façon ou d’une autre. Leurs mains sont tachées du sang de l’abbé.
    Corbett frissonna, effrayé. Il avait, en tant que témoin du roi, assisté à deux exorcismes. Un à l’abbaye de Bermondsey et l’autre à St Peter ad Vincula, dans l’enceinte de la Tour. Ils s’étaient, tous les deux, déroulés des années auparavant et avaient été des expériences terrifiantes ! La main de Taverner avec ses doigts griffus comme les serres d’un oiseau de proie avança d’un mouvement serpentin.
    — Il a été fauché, arraché à la vie et jeté sans préparation dans les ténèbres. Je me sens chez moi à St Martin, Messire le clerc. C’est une demeure démoniaque.
    Ses lèvres étaient maintenant bordées d’écume blanche.
    — Et vous pouvez dire à Chanson de cesser d’écouter à la porte !
    Ranulf, à pas de loup, alla ouvrir l’huis. Le palefrenier faillit s’affaler dans la pièce. Il chancela et regarda son maître d’un air embarrassé.
    — Tu es censé monter la garde et non espionner, le tança Corbett en lançant un bref coup d’oeil à Taverner. Mais va donc à la bibliothèque demander à frère Francis s’il possède des ouvrages ou des chroniques sur Geoffrey Mandeville.
    — Il en a un, déclara le possédé.
    — Que vous a dit l’abbé Stephen ?
    — Il voulait m’aider, mais n’a même pas pu s’aider lui-même ! répondit Taverner d’une voix chargée de malveillance.
    Le clerc, frappé d’étonnement, le regarda. Cet homme était deux personnes en une : lui-même et l’esprit qui le possédait. Elles se manifestaient à tour de rôle, à la fois dans l’expression et dans la voix et dans le recours occasionnel au français ou au latin. Corbett jeta un coup d’oeil à Ranulf, qui semblait fasciné par Taverner. La conversation finit par s’éteindre. Le possédé s’assit au bord du lit, mains pendantes et tête basse.
    — Qui êtes-vous à présent ? s’enquit le magistrat.
    Taverner plongea les doigts dans un bénitier posé sur la table de chevet et se signa rapidement trois ou quatre fois. Il fouilla dans sa robe et en sortit une Bible qu’il serra sur son coeur.
    — Je suis celui que j’étais en naissant, répondit-il d’une voix faible. Matthew Taverner.
    L’écume blanche avait disparu.
    — Et pourquoi êtes-vous venu céans ? questionna Corbett.
    — Je vivais en Essex, dans un village près de Chelmsford. Depuis mon enfance je suis tourmenté par des rêves fantasmagoriques et d’affreux cauchemars. Mon père est mort quand j’étais jeune. Ma mère pratiquait la magie noire. Elle sacrifiait à Achitophel et Azraël, Belzébuth et les autres seigneurs du désert. Un après-midi, je péchais seul sur la berge d’un ruisseau. Un nuage a caché le soleil et j’ai levé les yeux. De l’autre côté, sous la ramure d’un chêne, il y avait un homme. Il était grand, vêtu de noir des pieds à la tête, et avait un visage blême et hagard.
    Taverner cilla.
    — Ses yeux étaient aussi cruels que ceux d’un faucon. « Qui

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