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Funestes présages

Funestes présages

Titel: Funestes présages Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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ne vous connais pas, bégaya Taverner.
    Corbett ne pipait mot.
    — En effet. La première fois que je t’ai rencontré, je n’étais que Ranulf. Je n’avais pas encore été emprisonné. Tu connaissais ma mère, Isolda : tu t’en souviens ? Rousse et les yeux verts, elle était généreuse à l’excès. Elle t’a reçu gratuitement, Maître Carrefour.
    Ranulf fit un clin d’oeil à Corbett.
    — J’ignore si c’est son véritable nom. On l’appelait John of the Crossroads ou, en français, Carrefour. On l’avait ainsi surnommé parce que personne ne savait quelle direction il prendrait. Notre John a moult cordes à son arc. C’était un mime, membre d’une troupe d’acteurs. Il peut singer et imiter qui il veut. Il m’a oublié ; il a oublié le petit rouquin assis dans un coin, qui suçait son pouce en regardant Carrefour amuser sa mère et d’autres dames. Je ne te veux pas de mal, John.
    Ranulf baissa sa dague.
    — Tu as fait rire ma mère. Te souviens-tu de tes rôles favoris ? Le moine mendiant ? Le prêtre ventripotent ?
    Taverner avait maintenant l’air désespéré et misérable.
    — Pour être franc, j’admire ton Mandeville, continua Ranulf. Tu as pourtant commis une erreur. Tu as évoqué des frères fornicateurs, mais pendant le règne d’Étienne il n’y avait point de frères, puisque l’ordre des Franciscains n’avait pas encore été fondé dans ce pays. Le reste – l’anglo-normand, le latin – était parfait. Notre John est un vrai savant !
    Ranulf rengaina sa dague et retourna s’asseoir. Corbett, en silence, reconnut qu’il était rare que son écuyer le surprenne. Il se sentait un peu embarrassé : Taverner, à l’évidence, s’était moqué de lui.
    — Est-ce vrai ? interrogea-t-il.
    Taverner ouvrit la bouche pour répondre, mais changea d’avis. Il se recroquevilla sur le bord du lit, les mains dans son giron.
    — Je ne comprends pas de quoi vous parlez, marmonna-t-il.
    — Allons ! se gaussa Ranulf. Messire, il était célèbre, jadis, en ville. Depuis il a passé de longues années à l’étranger, échappant aux hommes du shérif d’un rien, surtout après son succès comme vendeur de reliques à Cheapside. Il fabriquait de fausses lettres et licences, se teignait la peau et affirmait posséder une boîte de pierres provenant du Saint-Sépulcre de Jérusalem. Il en a dupé plus d’un avec ses missives du patriarche et les contes merveilleux narrant son pèlerinage. Et, bien sûr, il y avait la jarre miraculeuse pleine d’un vin qui, prétendait-il, venait de Falerne et était tiré de la propre cave de Ponce Pilate. La liste de ses tromperies est interminable. Notre ami a tout été : vendeur d’indulgences, huissier, moine, prêtre.
    Ranulf éclata de rire et se frappa la cuisse.
    — Il a davantage amusé les tavernes de Southwark que toute une troupe de jongleurs. Que se passe-t-il, Taverner, es-tu tombé malade ? Je t’appelle Taverner pour simplifier la situation.
    Sa malheureuse victime ne bougeait toujours pas, tête basse.
    — Je ne veux plus entendre un mot au sujet de Mandeville, ajouta Ranulf. Vous dirai-je ce qu’il en est. Sir Hugh ? Notre bel ami, ici présent, s’est fait vieux. Il est fatigué. Il est las de battre les sentiers, de guetter sans relâche les hommes du shérif. Il cherche à s’installer dans un endroit confortable, un petit terrier où il pourrait se nicher le reste de ses jours. Mais il ne peut frapper à l’huis d’un monastère et déclarer qu’il veut être postulant ou novice, car on ferait une enquête. Je le soupçonne d’être revenu ici par les ports de l’Est où il ne risquait pas d’être remarqué ni reconnu. Il a ouï parler de l’abbé Stephen à St Martin-des-Marais. Il a préparé son personnage, y compris la flétrissure au fer rouge qu’il s’est infligée. Puis il est venu quérir de l’aide.
    — Mais il prétend avoir rencontré l’archidiacre Adrian et les dominicains de Blackfriars !
    — C’est possible, au fil des ans. Néanmoins je parierais que Maître Taverner, comme il se fait appeler à présent, comptait bien que ces hommes fort occupés ne se souviendraient point de lui. Il est arrivé à St Martin-des-Marais où les moines ne se sont pas intéressés à lui alors que, pour l’abbé Stephen, c’était un cadeau du ciel.
    Ranulf désigna la pièce d’un grand geste.
    — Notre ami a été fort bien reçu : bonne chère, boisson, lit de plumes

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