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Funestes présages

Funestes présages

Titel: Funestes présages Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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avait blêmi.
    — Ô mon Dieu ! haleta-t-il. Ô mon Dieu, c’est atroce !
    Le prieur pensa qu’il s’agissait d’une attaque. Hamo battit l’air de ses bras, tête renversée en arrière. Les autres bondirent et se précipitèrent à son secours. Hamo les repoussa et voulut se lever. Cuthbert regardait la scène, horrifié. On aurait dit que son confrère était lentement étranglé : visage ruisselant de sueur, yeux exorbités, bouche s’ouvrant et se fermant comme s’il peinait à respirer. De l’écume apparut sur ses lèvres. Il se retourna comme s’il avait pu s’éloigner de la douleur, mais tomba sur les genoux, les mains croisées sur le ventre. La crise empira. Il se recroquevilla sur le flanc, les jambes raidies par des spasmes. Certains se mirent à crier. Aelfric, l’infirmier, essaya de prendre Hamo par l’épaule.
    — Peut-être s’étouffe-t-il ?
    Cuthbert comprit ce qui se passait. C’était une prémonition effroyable. Hamo, à présent, était perdu dans son univers de souffrance, agitant bras et jambes, convulsé. D’étranges gargouillis s’échappaient de sa bouche. Aelfric essaya de l’aider, mais c’était impossible. Hamo se débattait comme un poisson hors de l’eau. Un profond râle monta de sa gorge, il tressauta une fois encore, puis se pétrifia, la tête un peu de côté, les yeux fixes. Aelfric le retourna sur le dos et chercha sans espoir son pouls au cou et aux poignets. Il glissa de force ses doigts dans la bouche du sous-prieur.
    — Qu’est-ce ? demanda frère Dunstan d’un ton affolé. Une attaque ?
    — Je ne crois pas.
    Aelfric appuya le dos de la main sur la joue du défunt.
    — Père prieur, frère Hamo a été empoisonné.
    Le prieur secoua la tête.
    — Ce n’est pas possible ! Ce n’est pas possible !
    — Il en a tous les symptômes, insista Aelfric. Il avait mal au ventre et non à la poitrine ou à la tête. Il était en bonne santé et solide jusqu’à ce qu’il boive cette bière et mange du pain et du fromage.
    Cuthbert désigna la table.
    — Asseyez-vous. Que personne ne touche à la nourriture ou à la boisson. Frère Aelfric, avez-vous quelques notions sur les substances toxiques ?
    L’infirmier prit le pichet de bière. Il le huma, avant d’examiner avec soin ce qui restait sur le plat ainsi que dans son propre gobelet.
    — Personne d’autre ne se sent mal, remarqua frère Francis.
    Aelfric prit la petite chope de Hamo. Puis il saisit un morceau de vélin et y versa la lie. Il tendit ensuite le récipient au prieur Cuthbert. Ce dernier aperçut des grains, au fond, comme si on y avait dissous de la poudre.
    — Je ne pense pas que la bière était empoisonnée, annonça Aelfric. Pas plus que le pain et le fromage. La drogue a été mise dans la coupe de frère Hamo. Je ne sens rien et, si elle avait un goût, la bière l’aurait masqué.
    — Qu’est-ce donc ? s’enquit Cuthbert.
    Aelfric, les mains tremblantes, reposa le gobelet sur la table. Il baissa les yeux sur la lie qui formait de petites flaques sur le parchemin.
    — Dieu seul le sait, chuchota-t-il. J’ai moult poudres similaires dans mon infirmerie. Et dans notre jardin de simples poussent de la jusquiame, de la digitale, de la belladone et des herbes qui...
    — ... peuvent tuer, compléta le prieur Cuthbert.
    Frère Dunstan, affalé sur sa chaire, se cacha le visage dans les mains et se mit à sangloter. Le prieur soupira :
    — Il faut informer Sir Hugh Corbett.
    Corbett s’affairait dans la chambre de Taverner. Ranulf se trouvait de l’autre côté de la pièce et Chanson montait la garde à l’extérieur.
    — Qui est l’assassin de notre imposteur, à votre avis ? questionna Ranulf.
    — Je l’ignore, répondit le magistrat en fouillant dans les biens de Taverner, mais, d’après le corps, ça ne nécessitait pas d’être un maître archer. Remarque bien, pourtant, que décocher une flèche en plein coeur demande une certaine habileté.
    Il interrompit ses recherches.
    — Il manque quelque chose. Il n’y a pas de flétrissure sur le front de Taverner. Je me demande si c’est parce que le tueur a dû agir vite ou parce qu’il ne mettait pas Taverner sur le même plan que Gildas.
    — Et s’il y avait deux criminels ?
    — Très bien, mon clerc de la Cire verte ! Dieu sait ce qui se passe céans. Le trépas de Taverner peut ne pas avoir de liens avec les autres.
    — Mais pourquoi le supprimer ? interrogea Ranulf.

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