Furia Azteca
votre reconnaissance envers Nezahualpilli et de votre désir de lui en donner la preuve. "
II y eut un long silence, puis, comme s'il voulait changer de sujet, il me dit, d'un air détaché : " II paraît que vous allez bientôt quitter Texcoco.
O˘ irez-vous, si on vous en laisse le choix ? "
/ Je réfléchis longuement. Tout autour de nous, la nuit S'était installée et le vent de la nuit commençait à gémir * SOT le lac. Enfin, je lui répondis : " A la guerre, Seigneur. J'irai à la guerre. "
quel spectacle que cette immense armée rangée sur une lande désolée à l'est de Texcoco ! La plaine était hérissée de lances et étincelait de vives couleurs. Les pointes et les lames d'obsidienne renvoyaient l'éclat du soleil. Il y avait bien quatre à cinq mille hommes en tout mais, comme l'avait prédit l'étranger poussiéreux, les Orateurs Vénérés des Mexica et des Tecpaneca n'en |ravaient envoyé qu'une centaine chacun, et pas des meil-I "leurs. C'était une grande partie des vétérans, ayant passé |l'‚ge, ou de jeunes recrues sans expérience.
Sous le commandement de Nezahualpilli, tout s'orga-5 Visait avec le maximum d'efficacité. De grandes banniè-de plumes signalaient les régiments principaux des fe-Ônilliers d'Acolhua et des malheureuses centaines de et de Tecpaneca. Des drapeaux de tissu multico-281
lore désignaient les différentes compagnies commandées par les chevaliers et des étendards plus modestes indiquaient les unités réduites, conduites par des sous-officiers quachic. Il y avait aussi d'autres drapeaux sous lesquels étaient regroupés les effectifs non opérationnels, chargés du transport des vivres, de l'eau et du stock d'armes ; les médecins, les chirurgiens et les prêtres des différents dieux ; les fanfares de tambours et de trompettes et, enfin, les détachements de nettoyage du champ de bataille : les Ligoteurs et les Engloutisseurs.
J'avais beau me dire que j'aurais d˚ me battre pour Nezahualpilli et avoir honte de la maigre contribution des Mexica à cette guerre, ils n'en étaient pas moins mes compatriotes, après tout. J'allai donc offrir mes services à
leur chef, le seul et unique général de l'armée ici présente, dénommé
Xococ. Il m'examina des pieds à la tête et me dit d'un air méfiant : " Bon.
Malgré ton inexpérience, tu semblés physiquement en meilleur état que les autres, moi mis à part. Va voir le quachic Extli-quani. "
J'étais si heureux d'entendre ce nom que je courus presque vers la bannière auprès de laquelle il était en train de hurler des ordres à un groupe de jeunes soldats renfrognés. Il portait une coiffure à plumes, un éclat d'os lui traversait la cloison nasale et il tenait un bouclier peint des symboles de son nom et de son rang. Je m'agenouillai en effleurant le sol et fis le geste d'embrasser la terre ; puis je l'entourai d'un bras, comme si c'était un parent perdu de vue depuis longtemps, en m'écriant, rempli de joie : " Maître Gourmand de Sang ! comme je suis content de vous retrouver ! "
Les soldats en restèrent ébahis et le vieux quachic rougit violemment. Il me tira brusquement à l'écart, en grondant : " L‚che-moi. Par les couilles de pierre de Huitzilopochtli, cette armée a bien changé depuis ma dernière campagne. Des vieux g‚teux, des jouvenceaux boutonneux et maintenant, ça !
Est-ce qu'on engage des cuilontli, maintenant ? Pour baiser l'ennemi ! "
" C'est moi, Maître, lui criai-je. Le général Xococ m'a dit de rejoindre votre compagnie. " Puis, je réalisai tout à coup que Gourmand de Sang avait vu défiler des centaines d'écoliers pendant sa carrière ; il mit un 282
moment à chercher dans ses souvenirs et finit par me retrouver dans un coin de sa mémoire.
" Mais oui, c'est Perdu dans le Brouillard, s'exclama-t-il, avec moins d'allégresse que je n'en escomptais. Tu es dans ma compagnie. Tes yeux sont guéris, alors ! Tu y vois bien maintenant ?
- Ben... non ", avouai-je.
Il écrasa une petite fourmi d'un méchant coup de talon. " Mon premier poste dans l'active depuis dix ans, grommela-t-il. Et ça ! des cuilontli feraient peut-être mieux l'affaire. Bon. Perdu dans le Brouillard, va te mettre en rang avec ce ramassis.
- Bien, Maître quachic ", répondis-je, avec une raideur toute militaire. Je sentis qu'on me tirait par le man-teau et je me souvins alors de Cozcatl qui ne m'avait pas l‚ché d'une semelle. " quels sont les ordres en ce qui concerne le jeune Cozcatl
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