Furia Azteca
?
- Pour qui ? " me demanda-t-il, en cherchant avec étonnement autour de lui.
Son regard tomba enfin sur le petit garçon. " Pour lui ! explosa-t-il.
- C'est mon esclave, mon ordonnance, expliquai-je.
- Silence dans les rangs ! " hurla-t-il en s'adressant à moi aussi bien qu'aux autres soldats qui s'étaient mis à ricaner. Le vieux quachic fit quelques pas pour se ressaisir, puis, il vint planter sa grosse figure devant moi. " Perdu dans le Brouillard, sache que seuls les nobles et les chevaliers ont droit à une ordonnance. Tu n'es qu'un yaoquizque, une jeune recrue, le grade le plus bas et, non seulement tu te présentes avec un domestique, mais de plus c'est un avorton !
- Je ne peux pas abandonner Cozcatl, mais il ne sera pas gênant. Vous pourrez peut-être lui trouver dans î'aumônerie ou dans l'arrière-garde, une place o˘ il pourra se rendre utile.
- Moi qui pensais m'être tiré de l'école pour faire une bonne petite guerre. D'accord, grogna Gourmand de Sang. Avorton, va à ce drapeau noir et jaune, là-bas et dit à l'officier d'intendance que tu es affecté à la plonge. Et maintenant, Perdu dans le Brouillard, me dit-il, d'une *voix mielleuse, quand l'armée mexica sera organisée à ton idée, tu me feras voir si tu te souviens encore des
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exercices militaires. " Puis, tout le monde sursauta quand il hurla : "
Alors, misérables canailles... EN RANG PAR qUATRE ! >> Dans la Maison de l'…dification de la Force, j'avais appris que l'entraînement au combat était tout autre chose que de jouer à la guerre et j'étais en train d'apprendre que l'entraînement n'était qu'une p‚le imitation de la réalité. Il y a deux choses dont ne parlent jamais les conteurs d'histoires glorieuses : la saleté et l'odeur. A l'école après une journée de durs exercices, on avait toujours la perspective d'un bain ou d'une bonne suée au temazcal, ou bain de vapeur, pour se remettre. Ici, c'était impossible. Au bout d'une journée de manouvres, on était dégo˚tants et on le restait ; aussi on sentait mauvais, tout comme les trous creusés pour les besoins naturels. Je ne supportais pas davantage ma propre odeur de sueur séchée et de vêtements sales, que la puanteur ambiante des pieds et des excréments. Pour moi, la saleté et la pestilence étaient les pires aspects de la guerre. Du moins, à cette époque, avant d'avoir fait la guerre.
Autre chose. J'avais souvent entendu de vieux soldats se plaindre que même pendant la saison officiellement sèche, on pouvait être s˚r que Tlaloc se ferait un malin plaisir de rendre la bataille encore plus pénible en trempant les hommes et en leur engluant les pieds dans la boue. Nous étions à la saison des pluies et Tlaloc déversa un flot ininterrompu pendant toutes les journées o˘ nous nous exercions avec nos armes et répétions les manouvres qu'il faudrait exécuter sur le champ de bataille. Il n'arrêtait pas de pleuvoir, nos manteaux pesaient comme du plomb et nos sandales n'étaient plus que de lourdes plaques de boue ; aussi étions-nous de fort méchante humeur, lorsque enfin nous nous mîmes en route vers Texcala.
La ville était située à treize longues courses, vers le sud, sud-est. Avec un temps correct, il aurait fallu deux jours de marche forcée, mais nous y serions arrivés à bout de forces et épuisés pour affronter un ennemi qui n'avait rien fait d'autre que de nous attendre tranquillement. Aussi, en raison des circonstances, Nezahualpilli
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donna l'ordre de faire le trajet plus lentement, en quatre jours, pour arriver sur place dans un état de relative fraîcheur.
Les deux premiers jours, nous march‚mes plein est, si bien que nous e˚mes seulement à escalader et à traverser les premiers contreforts de la chaîne volcanique qui, plus au sud, se hérisse de pics abrupts nommés Tlaloctepetl, Ixtaccihuatl et Popocatepetl. Ensuite, nous fîmes route vers le sud-est, en direction de la ville de Texcala. Nous avions pataugé dans la boue toute la journée, sauf quand nous glissions ou dérapions sur la roche humide. Je n'étais jamais allé aussi loin et j'aurais aimé admirer le paysage. Mais j'en étais empêché, autant par ma mauvaise vue que par un continuel rideau de pluie. Pendant Ce voyage, je ne vis pas grand-chose, en dehors des pieds boueux qui se traînaient péniblement devant moi.
Nous n'étions pas encombrés par notre armure. En plus de notre costume habituel, nous avions un lourd vêtement appelé tilmatl,
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