Furia Azteca
que nous mettions quand il faisait froid et dans lequel nous nous enroulions pour dormir.
Chaque soldat portait aussi un sac à pinolli, du maÔs écrasé mélangé avec du miel et une grande gourde de cuir pour l'eau. Chaque matin, avant le départ et à la pause de midi, on délayait le pinolli avec de l'eau pour en faire de l'atolli, bouillie nourrissante, sinon rassasiante. Le soir, il fallait attendre l'arrivée des troupes qui portaient le reste du matériel et les intendants donnaient à chacun des hommes un repas chaud et substantiel, accompagné d'une masse de cet épais chocolat si nutritif, qui nous remontait le moral.
Malgré ses autres t‚ches, Cozcatl m'apportait mon repas tous les soirs et il se débrouillait souvent pour m'avoir une ration plus généreuse que la normale, ou pour me glisser un fruit ou une douceur qu'il avait chapardés.
Dans la compagnie, certains soldats grognaient ou ricanaient de me voir ainsi chouchouté, aussi j'essayais, sans grande conviction, de refuser les dou-£eurs qu'il m'apportait.
Mais il me sermonna : " Ne vous privez pas, en voulant agir avec noblesse, Maître. Vous n'enlevez rien à ,vos camarades du front. Savez-vous que les mieux nour-285
ris sont les hommes de l'arrière ? Les porteurs, les cuisiniers et les messagers. Ce sont également ceux qui se vantent le plus de ce qu'ils font.
J'aimerais bien pouvoir aussi chiper une bassine d'eau chaude quelque part.
Pardonnez-moi, Maître, mais vous sentez affreusement mauvais. "
Tard, dans l'après-midi gris et humide du quatrième jour, alors que nous étions encore à une longue course de Texcala, nos éclaireurs repérèrent les troupes texcal-teca, en position, et ils coururent rapporter la nouvelle à
Nezahualpilli. L'ennemi nous attendait de l'autre côté d'une rivière que nous devions traverser. Par temps sec, ce n'était sans doute qu'un ruisseau peu profond, mais après ces journées de pluie ininterrompue, elle formait une barrière difficile à franchir. L'eau nous arrivait à peine à la cuisse, mais le courant était fort et il y avait plus d'une portée d'arc d'une berge à l'autre. Le plan de l'ennemi était évident. Lorsque nous traverserions la rivière, nous serions des cibles parfaites se déplaçant lentement, incapables de se servir de leurs armes, ni d'éviter l'adversaire. Avec leurs flèches et leurs javelots propulsés par un atlatl, les Texcalteca espéraient bien nous décimer et nous démoraliser avant même que nous soyons parvenus de l'autre côté.
On dit que Nezahualpilli aurait souri en déclarant : " Très bien. Ce piège a été si bien préparé par l'ennemi, de connivence avec Tlaloc, qu'il ne faut pas les décevoir. Demain nous tomberons dedans. "
II donna l'ordre à l'armée de s'arrêter sur place pour la nuit, alors que nous étions encore loin de la rivière. Ensuite il réunit les chevaliers et les sous-officiers pour leur faire connaître ses instructions. Les simples soldats étaient assis, accroupis ou allongés sur le sol détrempé. Le personnel d'intendance préparait un repas du soir très copieux, car nous n'aurions même pas le temps d'avaler notre atolli, le lendemain matin. Les armuriers déballaient les armes de réserve et les mettaient en tas pour qu'elles soient prêtes à être distribuées. Les tambours tendaient la peau de leurs instruments qui s'était avachie à l'humidité. Les médecins et les prêtres préparaient qui, leurs potions et leurs instruments, qui, leur encens et
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leurs livres d'incantations afin d'être prêts, soit à soigner les blessés du lendemain, soit à entendre la confession des mourants au nom de Mangeuse de Saleté.
Gourmand de Sang revint de la réunion au sommet alors qu'on nous apportait notre repas avec le chocolat. " quand nous aurons mangé, nous dit-il, nous endosserons nos tenues de bataille et nous nous armerons. Puis, quand il fera nuit, nous irons nous placer sur les positions qu'on nous a assignées et nous dormirons tranquillement, car demain il faudra se lever tôt. "
Tout en mangeant, il nous raconta le plan de Nezahualpilli. A l'aube, le tiers de l'armée, en bon ordre, avec tambours et trompettes, marchera fièrement vers la rivière et y entrera, comme si elle ignorait le danger qui l'attend de l'autre côté. Lorsque l'ennemi lancera ses traits, nos attaquants s'éparpilleront dans tous les sens "pour donner l'impression qu'ils ont été totalement surpris. quand la pluie de flèches
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