Furia Azteca
sur mon bras. C'était la première fois qu'il me touchait sans ordre et sans
346
autorisation. " Les amis n'ont pas besoin de papiers pour savoir qu'ils sont amis ", me dit-il.
quelques années auparavant, la communauté des marchands de Tenochtitl‚n avait édifié un b‚timent qui regroupait à la fois les entrepôts pour les stocks de marchandises de tous ses membres, des salles de réunion, le tribunal, les archives, etc. La Maison des Pochteca n'était pas très éloignée du Cour du Monde Unique et bien qu'elle f˚t plus petite qu'un palais, son aménagement était fastueux. Elle comprenait des cuisines et une salle à manger pour les membres et pour les marchands étrangers et des appartements en étage pour les visiteurs qui venaient de loin et qui y passaient une nuit ou parfois davantage. Je fus introduit par l'un des nombreux serviteurs de la Maison qui me reçut avec une certaine hauteur, le jour o˘ j'avais rendez-vous ; il me conduisit dans une pièce luxueuse o˘
trois pochteca d'un certain ‚ge attendaient ma venue.
Je m'étais préparé à adopter à leur égard une attitude déférente, mais pas à me laisser intimider. Je fis le geste d'embrasser la terre en arrivant devant eux, puis je me redressai et sans regarder derrière moi, je dégrafai mon manteau et je m'assis. Ni moi, ni le manteau ne nous retrouv‚mes par terre. En effet, quelle qu'ait pu être sa surprise devant l'air de grandeur de ce roturier, le serviteur attrapa mon manteau et glissa en même temps sous moi une chaise icpalli.
L'un des trois hommes me rendit mon salut d'un simple geste de la main et dit au domestique d'apporter du chocolat. Puis ils me regardèrent, tous les trois, comme s'ils avaient voulu me soupeser. Ils portaient des manteaux très ordinaires et sans aucun ornement. C'était une tradition chez les pochteca de ne pas faire étalage de leur fortune et de leur rang et de garder une allure discrète et modeste. Cependant la sobriété de leur tenue était en contradiction avec le fait qu'ils débordaient de graisse, à force de trop bien manger et de trop bien vivre. De
347
plus, deux d'entre eux fumaient des poquietl à monture d'or ciselé.
" Vous avez d'excellentes références ", me dit l'un d'eux d'un ton acide comme s'il souffrait de ne pouvoir rejeter ma candidature.
" II vous faut également un capital suffisant, ajouta un autre. De combien disposez-vous ? "
Je lui tendis la liste de mes biens et de mes liquidités que j'avais dressée avant de venir.
Tout en sirotant le chocolat crémeux qui, cette fois, était parfumé avec de la fleur de magnolia, ils se repassaient la liste de main en main.
" Ce n'est pas mal, me dit l'un.
- Sans être énorme, déclara un autre.
- quel ‚ge avez-vous ? me demanda le troisième.
- Vingt-deux ans, Seigneurs.
- C'est bien jeune.
- J'espère que ce n'est pas un handicap, leur dis-je. Le grand Coyote Affamé n'avait que seize ans quand il devint Orateur Vénéré de Texcoco.
- En supposant que vous n'aspiriez pas à un trône, jeune Mixtli, quels sont vos projets ?
- Eh bien, Seigneurs, je ne pense pas que les gens de province puissent se payer mes plus belles marchandises, mes manteaux brodés par exemple. Aussi, j'ai l'intention de les vendre sur place à des nobles qui les paieront à
leur juste prix. Ensuite, j'investirai ce que j'en aurai tiré dans des étoffes plus ordinaires et plus faciles à placer, j'achèterai aussi des couvertures en poil de lapin, des cosmétiques, des préparations médicinales et des produits qu'on ne trouve que chez nous. Ensuite, je partirai avec vers le sud et les vendrai ou les échangerai contre des choses qui n'existent que dans d'autres pays.
- C'est ce que nous faisons depuis des années ", me fit remarquer l'un des pochteca qui n'était pas du tout impressionné par ce que j'avais dit. "
Vous ne parlez pas des frais de voyage. Une partie de votre avoir, par exemple, devra être consacré à engager une équipe de porteurs.
- Je n'ai pas l'intention d'en prendre, lui répondis-je.
348
- Vraiment ? Vous êtes donc suffisamment nombreux pour tout porter vous-mêmes ? C'est une économie stupide, jeune homme. Un porteur se paie à prix fixe, alors que vous devrez partager vos bénéfices avec vos associés.
- Il n'y a que deux personnes en dehors de moi, dans cette entreprise, précisai-je.
- Trois hommes ? " s'exclama le plus ‚gé, d'un ton railleur, en tapotant ma liste. " Rien qu'avec le poids de
Weitere Kostenlose Bücher