Furia Azteca
arriv‚mes dans le pays Huaxyacac o˘ le premier trille du merveilleux et unique langage loochi nous apprit que nous venions de pénétrer dans un monde différent de tous les autres.
Nous pass‚mes notre première nuit dans un village qui s'appelait Texitla et qui ne présentait rien de remarquable, par lui-même. Les maisons étaient construites comme les nôtres, avec une armature de troncs d'arbres recouverte d'un toit de chaume. Les cabanes des bains de vapeur étaient en adobe, comme partout. Le repas
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qu'on nous servit ressemblait à tous ceux que nous avions eus jusqUe-là. Ce qui était différent, c'étaient les gens eux-mêmes ; nous ne nous étions encore jamais trouvés dans un village o˘ tous les habitants étaient aussi agréables à regarder et dont les habits de tous les jours étaient si éclatants de couleurs.
" Comme ils sont beaux ! " s'exclama Cozcatl.
Gourmand de Sang ne disait rien, car il connaissait déjà cet endroit. Le vieux soldat avait pris un air avantageux et possesseur comme si c'était lui, personnellement, qui avait manigancé l'existence du village, dans le seul but de nous surprendre, Cozcatl et moi.
Cependant, Texitla n'était pas une exception comme nous nous en rendîmes compte en arrivant dans la capitale de Zaachila, et comme nous le confirma la suite de notre voyage en pays Huaxyacac. Tous les habitants de cette terre étaient bien faits et leur comportement était aussi gai que leur costume. Le go˚t des Zapoteca pour les couleurs s'explique facilement, car leur pays produit les plus belles teintures qui soient. C'est aussi la limite septentrionale de vie des perroquets, des aras, des toucans et d'autres oiseaux tropicaux au plumage resplendissant. Par contre, la raison de la beauté particulière des habitants me semblait moins évidente, aussi, après un jour ou deux à Zaachila, je posai la question à l'un des vieillards de la ville :
" Les gens d'ici sont bien plus beaux que tous les autres. quelle est leur histoire ? D'o˘ viennent-ils ?
- D'o˘ viennent-ils ? " me dit-il, comme s'il méprisait mon ignorance. Il parlait le nahuatl et servait régulièrement d'interprète aux marchands de passage ; c'est lui qui m'apprit les premiers mots de loochi. Il s'appelait Giigu Nashinya, ce qui veut dire Rivière Rouge ; sa figure ressemblait à
une falaise ravinée.
" Vous autres, Mexica, racontez que vos ancêtres sont venus de très loin, jusqu'à cet endroit au nord, qui est maintenant votre pays. Les Chiapa prétendent que leurs aÔeux sont originaires d'une terre très loin au sud de ce qui est leur actuelle patrie. Tous les peuples disent qu'ils proviennent d'un autre lieu que celui o˘ ils vivent. Tous, sauf nous, les Ben Zaa. Si nous portons ce nom, c'est
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qu'il y a une bonne raison : nous sommes le Peuple Nuage ; nous sommes nés dans les nuages, dans les arbres, dans les rocs et dans les montagnes de cette terre. Nous n'y sommes pas venus, nous avons toujours été là. Dites-moi, jeune homme, avez-vous déjà vu ou senti la fleur du cerisier d'amour ?
"
Je lui répondis que non.
" Vous la verrez. Elle pousse maintenant sur le seuil de nos maisons. On l'appelle aussi la fleur-cour car, en bouton, elle a la forme d'un cour humain. Dans les maisons, les femmes ne cueillent qu'un bouton à la fois, car quand il s'ouvre, il embaume le logis tout entier, à lui seul. A l'origine, cette fleur poussait à l'état sauvage dans les montagnes que vous apercevez au loin, et uniquement en pays Huaxyacac. Comme nous, elle est née là, et comme nous, elle fleurit toujours. C'est un plaisir de voir et de sentir cette fleur. Les Ben Zaa sont un peuple fort et vigoureux, depuis toujours.
- C'est vrai, dis-je. C'est un beau peuple.
- Oui, et aussi robuste que beau, me répondit le vieux sans aucune modestie. Le Peuple Nuage a réussi à préserver la pureté de sa race, en supprimant toutes les imperfections qui surgissent ou s'insinuent en elle.
- Comment ? lui demandai-je.
- Lorsqu'un nouveau-né est malformé, qu'il est vraiment trop laid ou qu'il présente des signes de déficiences mentales, nous veillons à ce qu'il ne vive pas. On prive le malheureux nourrisson du sein de sa mère, aussi il dépérit et meurt par la volonté des dieux. On met également au rebut les vieillards,'quand ils deviennent trop déplaisants à regarder, qu'ils ne peuvent plus prendre soin d'eux-mêmes et qu'ils commencent à perdre leurs facultés intellectuelles. En
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