Furia Azteca
se nomme aussi et à plus juste titre, l'océan Septentrional.
Cette côte n'est pas seulement composée de plages de sable bordées de palmiers, ce qui finirait par être monotone. Souvent, j'arrivais à des fleuves qui se jetaient darts la mer et il fallait que j'attende un pêcheur ou un passeur pour me faire traverser l'embouchure sur sa pirogue. Parfois, le sable sec s'humidifiait sous mes pas,
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puis se transformait en marécage infesté d'insectes et les palmiers souples faisaient place aux palétuviers contournés avec leurs racines noueuses comme les jambes d'un vieillard. Parfois, pour éviter ces marais, j'attendais le passage d'un bateau de pêche qui me les faisait contourner au large. Parfois encore, je m'enfonçais dans l'intérieur des terres jusqu'à l'endroit o˘ le marécage s'asséchait, pour pouvoir en faire le tour.
quelle frayeur j'ai eue la première fois ! La nuit m'avait surpris sur le bord détrempé d'un marais et j'avais eu bien de la peine à ramasser assez de brindilles et d'herbes sèches pour allumer mon feu. Il était si modeste et il m'éclairait si peu, qu'en levant la tête, j'aperçus au-delà des palétuviers moussus un feu bien plus éclatant que le mien qui br˚lait avec d'étranges flammes bleues.
" La Xtabai ! " pensai-je aussitôt, car j'avais entendu raconter de nombreuses histoires au sujet d'une femme-fantôme qui parcourait ces régions enveloppée dans un vêtement qui dégage une lueur surnaturelle.
Selon la légende, quand un homme s'approche d'elle, il s'aperçoit que cet habit est un simple capuchon qui lui recouvre la tête et que le reste de son corps est entièrement nu et d'une séduisante beauté. Il ne peut alors résister à la tentation de s'approcher encore davantage, tandis qu'elle recule timidement devant lui, jusqu'au moment o˘ l'homme s'aperçoit, à sa grande horreur qu'il marche sur des sables mouvants d'o˘ il ne peut se sortir. Il est alors aspiré par les sables et, juste avant que sa tête ne disparaisse, la Xtabai repousse enfin son capuchon et dévoile son visage qui n'est en réalité qu'un cr‚ne affreusement ricanant.
Avec mon cristal, je me mis à observer cette vacillante flamme bleutée et je sentis mon sang se glacer dans mes veines. Puis, j'essayai de me raisonner : " Bon. Tu ne vas pas dormir tant que cette chose rôde par ici.
Mais puisque tu es averti, pourquoi n'irais-tu pas jeter un coup d'oil en prenant bien garde de ne pas t'enfoncer dans les sables mouvants ? "
Mon couteau d'obsidienne à la main, j'avançai, pru-478
demment baissé, vers le fouillis des arbres et des plantes grimpantes. La lumière bleue m'attendait. Je t‚tais le sol à chaque pas et bien que mon manteau f˚t déchiré par les broussailles et que je fusse mouillé-jusqu'au genou, je ne m'enfonçais toujours pas. La première chose insolite que je remarquai, ce fut l'odeur. Le marais tout entier dégageait lui-même une senteur fétide d'eau stagnante, d'herbe en décomposition et de champignon moisi ; mais cette odeur-là était différente et ressemblait un peu à celle de l'ouf pourri. " Je me demande comment un homme peut partir à la poursuite d'une Xtabai, si belle soit-elle, si elle pue de la sorte ", pensai-je. Je pressai le pas et finis par arriver devant la lumière. Ce n'était pas une femme-fantôme, mais une flamme bleue sans fumée qui m'arrivait à la taille et qui jaillissait directement de la terre. J'ignore par quoi elle avait été allumée, mais elle était probablement alimentée par ce souffle nauséabond qui filtrait par une fissure dans le sol.
Il est possible que cette lueur traîtresse en ait conduit plus d'un vers la mort, mais la Xtabai, elle, était bien inoffensive. Je n'ai jamais compris pourquoi un air infecté s'enflamme, alors que l'air naturel ne br˚le pas.
J'ai eu plusieurs fois l'occasion de rencontrer ces flammes bleues, toujours accompagnées de cette même odeur et la dernière fois que j'ai cherché à en connaître la cause, j'ai découvert une matière aussi extraordinaire que cet air inflammable. En arrivant auprès de la flamme Xtabai, j'enfonçai le pied dans une sorte de boue gluante et je pensai aussitôt : " «a y est, je suis tombé dans les sables mouvants. " Je me trompais ; je pus en sortir facilement et je ramenai une poignée de cette substance bizarre à mon campement.
Elle était noire, comme l'oxitl que l'on extrait de la sève du pin, mais visqueuse plutôt que collante. Lorsque je
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