Furia Azteca
train de donner à manger à la volaille dans la cour de l'auberge, quand une forme qui ne venait pas de la route, mais des terrains vagues qui bordent le fleuve, apparut en chancelant devant elle.
Elle était sur le point de s'enfuir à l'intérieur de l'auberge et d'en barricader la porte, mais sa stupeur la figea un assez long moment pour qu'elle ait le temps de reconnaître un air familier à cet homme nu et recouvert d'une cro˚te de saleté et de sang séché. Bien qu'à demi mort, mon souvenir m'avait guidé vers l'auberge. J'avais le bas du visage et la poitrine inondés par le sang qui coulait de mes narines. Tout mon corps était écorché et couvert de bleus provoqués par des coups ou par une chute.
Mes pieds nus étaient incrustés de poussière et de petits cailloux pointus.
Pourtant, elle m'avait reconnu et emmené, mais pas dans l'hostellerie, o˘
je n'aurais pas pu me reposer en paix, car elle était maintenant animée et florissante et particulièrement appréciée par les pochteca mexica comme moi et c'est pourquoi, précisa-t-elle, elle parlait beaucoup mieux le nahuatl.
" Nous vous avons donc porté dans notre ancienne maison pour pouvoir vous soigner sans que vous soyez dérangé par les allées et venues des hôtes.
Après tout, cette cabane est à vous. Vous souvenez-vous que vous l'avez achetée ? " Elle me fit signe de ne pas répondre et poursuivit : " On a supposé que des bandits vous avaient attaqué, car vous êtes arrivé ici sans vêtements et sans paquets. "
Je me sentis traversé par une soudaine angoisse. Péniblement je déplaçai un bras pour me palper la poitrine et je sentis enfin sous mes doigts la topaze, toujours accrochée après la lanière et je poussai Un long soupir de soulagement. Même ces avides voleurs avaient d˚ penser que c'était le symbole d'un dieu quelconque et, par superstition, ils n'avaient pas voulu me le prendre.
" Oui, c'est tout ce que vous aviez sur vous, me dit-elle en voyant mon geste. Et aussi cette lourde chose. " Elle tira de dessous ma paillasse le paquet de tissu avec les liens et le bandeau qui y pendaient encore.
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" Ouvrez-le ", dis-je d'une voix enrouée de ne pas avoir servi depuis si longtemps.
" II ne faut pas parler ", répéta-t-elle, en dépliant précautionneusement l'étoffe. La poudre d'or apparut, un peu amalgamée à cause de la transpiration, mais si brillante qu'elle en éclairait presque l'intérieur sombre de la hutte et jetait des reflets dorés dans les yeux sombres de la jeune fille.
" Nous avons toujours pensé que vous étiez très riche ", murmura-t-elle.
Elle réfléchit un moment et me dit : " C'est d'abord à votre pendentif que vous avez pensé, avant votre or. "
Je ne savais pas si elle comprendrait mon explication silencieuse et en faisant un nouvel effort, j'approchai le cristal de mon oil et la regardai aussi longtemps que je pus rester dans cette position. Même si j'avais pu parler, je serais resté sans voix. Elle étairbelle ; bien plus belle que je ne le croyais et que je me le rappelais. Une des choses que j'avais oubliées, c'était son nom.
L'éclair d'argent qui courait dans ses cheveux attirait le regard mais n'ajoutait rien à une beauté qui captivait le cour. Ses longs cils ressemblaient aux ailes d'un minuscule colibri noir. Ses sourcils s'incurvaient comme des ailes d'une mouette qui va prendre son vol et même les commissures de ses lèvres avaient une forme d'aile, à cause d'un petit repli qui les troussait et la faisait toujours paraître sourire de quelque chose de secret. Cependant, elle se mit à sourire vraiment, peut-être à
cause de l'expression de surprise qu'elle vit sur mon visage et les petits replis devinrent de ravissantes fossettes et son visage prit un éclat plus vif que celui de mon or.
La topaze m'échappa des mains, mon bras retomba contre mon flanc et je sombrai, non pas dans un autre abattement, mais dans un sommeil bienfaisant. Plus tard, elle me dit que j'avais souri en dormant.
J'étais au comble de la joie d'avoir retrouvé Tehuante-pec et d'avoir fait la connaissance de cette jeune fille - ou d'avoir refait sa connaissance.
Toutefois, j'aurais préféré y arriver en pleine possession de mes forces et de mes moyens et avec tous les attributs d'un marchand 491
prospère. Au lieu de cela, j'étais cloué au lit, sans vigueur et sans ressort et pas très agréable à regarder à cause de toutes les cro˚tes dont j'étais couvert. J'étais encore
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